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Un vrai rêve de gosse !

Pour commencer cette semaine de l’humour, Dominique Monféry revient sur son premier tome de Tin Lizzie. Un album gentiment déjanté, où un improbable trio censé transformer une voiture en tracteur va finalement décider de s’offrir une petite escapade à la ville… Mais aussi une première expérience en BD pour un vétéran du cinéma d’animation !

De Disney à la Ford T

Tin Lizzie est votre premier album, quel a été votre parcours jusqu’ici ?

J’ai travaillé pendant environ 25 ans dans le dessin animé, dont 14 ans chez Disney avant de fonder ma propre compagnie et de réaliser deux films. S’en est suivie une période de vide alors que j’avais cette envie de faire un album de BD. Pourquoi ne pas essayer ? J’avais rencontré Thierry Chaffoin, le scénariste, aux effets spéciaux chez Disney.

Il m’envoie alors le pitch de Tin Lizzie en une phrase : «une voiture qui fait la course contre un cheval ». J’ai accroché tout de suite ! On a monté un petit dossier avec quelques planches test que l’on a présenté à Julia Weber, que l’on connaissait depuis Disney. Elle cherchait aussi à faire la transition vers la BD et elle s’est sentie emballée par le scénario et le dessin. À peu près au même moment, Paquet nous contactait ! L’album était lancé !

Comment s’est passée pour vous la transition du dessin animé à la bande dessinée ?

C’est une véritable renaissance graphique. Je suis issu du dessin animé 2D, « classique ». Lorsque vous dessinez, les personnages doivent être très épurés, avec le moins de lignes possibles, pour qu’ils ne soient pas trop complexes à animer. Alors qu’en BD, vous arrivez devant votre page blanche et vous pouvez faire ce que vous voulez !

C’est assez perturbant au départ, parce qu’il faut réapprendre à dessiner ! C’est un peu cliché à dire, mais il faut retrouver ses marques : quelles tricheries graphiques utiliser, comment dessiner ce détail, quelles manières de traiter la lumière, etc.

J’avais le sentiment d’avoir fait le tour de ce que je voulais faire en dessin animé. Mais ça reste une grande influence dans mon dessin, sans doute la plus importante. Et heureusement ! Cela me sert beaucoup pour créer des situations et pour placer mes personnages. Paradoxalement, dessiner des personnages épurés m’aide beaucoup pour créer mes story-boards et à garder un équilibre entre des personnages détaillés et la sincérité de leurs expressions.

Pourquoi ce choix de placer le récit dans l’Amérique rurale du début du XXe siècle?

Personnellement, la période m’importait peu, mais Thierry est un passionné de cette époque, qui le touche beaucoup. Ce qui m’intéressait c’était le défi de l’histoire, cette course entre l’une des premières voitures et un cheval. Je trouvais l’idée excellente et cela me suffisait ! Mais une fois que Thierry a défini le lieu et l’époque, j’ai bien été obligé de me documenter ! J’ai regardé de nombreux films et photos d’époque ou qui prennent cette époque comme cadre.

Ça n’a pas non plus été central dans mon dessin. Je ne voulais pas m’imposer trop de contraintes ! Par exemple, la voiture est inventée, le modèle précis n’a jamais existé. Tin Lizzie est le surnom de la Ford T mais je trouvais cette voiture trop lourde, pas assez mobile. J’ai cherché à éviter les erreurs majeures, mais je ne voulais pas d’un cadre trop précis ou contraignant.

L’improbable trio !

Comment vous est venu, visuellement, le design des trois personnages centraux ?

Dominique Monféry : Thierry m’a livré le profil des trois personnages clés en main ! Comme c’était ma première BD, je ne savais pas encrer, puisqu’on n’encre pas en dessin animé ! Un jour, je m’exerçais à l’encrage en faisant une recherche au crayon préalable, avec un trait proche du style définitif de l’album. J’aimais bien le côté charbonné, un peu usé, du trait qui collait bien à l’ambiance que l’on voulait retranscrire.

Pour les visages, c’est beaucoup de recherche. On cherchait un physique pour le personnage de Rhod, et Thierry me dit « et pourquoi pas un genre de Depardieu ? » Donc partant de son physique, j’ai fini par arriver à Rhod tel qu’on le connaît aujourd’hui ! Jake et Louie viennent surtout de recherches  au crayon. Mais j’ai été jusqu’à créer des modèles 3D de Jake pour bien saisir son physique.

Ces trois personnages ont des personnalités très complémentaires. Aviez-vous cette même envie graphiquement ?

Oui, totalement ! Cela vient sûrement de ma carrière dans le dessin animé : je me suis habitué à caractériser mes personnage, à leur donner des mimiques. D’un point de vue morphologique, on a Rod très imposant, Louie, plus filiforme et agile, et Jake qui est un enfant, donc petit en taille. Ces trois morphologies complémentaires sont venues naturellement.


Comment avez-vous travaillé avec Julia Weber, votre coloriste ?

Comme sur un dessin animé ! Je lui envoyé des planches dessinées pour qu’elle les retravaille à la couleur. Cependant, je n’ai pas encré de manière classique, j’utilise un crayon gras pour ce faire. Cela permet à Julia de pouvoir ajouter plus de textures lors de la colorisation. Je retravaillais légèrement les contours après colorisation pour modifier la texture des traits et rééquilibrer les noirs, ajouter un peu de graphisme, etc.

Combien d’albums devrait durer cette nouvelle série ?

À l’heure actuelle, on prévoit simplement un deuxième tome qui devrait clore l’histoire. Mais on a appris à bien aimer nos personnages donc Thierry pense sérieusement à d’autres tomes ! Donc on ne s’interdit pas de donner une suite à la série, cela dépendra beaucoup de la demande des lecteurs.

Après, j’ai aussi des projets personnels. Je travaille notamment sur des adaptations de nouvelles de Jack London, qui devraient me permettre d’aller plus loin avec le graphisme que j’ai commencé à développer dans Tin Lizzie. Ce trait reste assez nouveau pour moi : j’aimerais continuer à peaufiner. Je sens que je ne sus pas encore allé au bout de ce que je peux en faire !

Un mot de la fin ?

Ha, vous me prenez au dépourvu [rires]. Non, ça a simplement été un véritable plaisir de faire cet album. C’était un vrai rêve de gosse que je suis super content d’avoir pu réaliser !

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