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Le Nouveau-Monde, un des chevaux de bataille de Patrick Prugne

L’auteur auvergnat de bande dessinée Patrick Prugne expose son travail sur le Nouveau-Monde, pendant deux mois dans le Finistère. On y découvre des planches originales de Frenchman et Pawnee, mais aussi des dessins, des crayonnés et des travaux de recherche que cet auteur a réalisés dans la construction de ces BD et de ce thème qui lui est cher.

Le Nouveau-Monde, une histoire qui remonte à l'enfance

Comment avez-vous fait de la bande dessinée votre métier ?

Patrick Prugne : J’ai toujours dessiné et eu envie de raconter des histoires. Pour en faire un métier, j’envoyais pas mal de dossiers à des éditeurs. En 1990, ça a été le déclic : j’ai reçu « l’Alph’art avenir » à Angoulême, un prix devenu depuis «Graine de prix», pour une parodie animalière du Lièvre et la Tortue en trois planches. J’avais déjà des contacts avec certains éditeurs, en particulier avec Vents d’Ouest, mais c’est vraiment ce prix qui m’a permis d’en avoir de plus sérieux. J’ai ensuite commencé à publier ma première série, Nelson et Trafalgar.

Qu’est-ce qui vous attire dans le Nouveau-Monde, thème que vous abordez dans plusieurs de vos albums ?

Ah le Nouveau-Monde, c’est une longue histoire ! Je suis retombé récemment sur des dessins que j’avais faits à l’âge de 10-12 ans et il y avait déjà des tuniques rouges et des Indiens… J’aime cette période pour la rencontre entre les Européens et les Amérindiens, pas vraiment pour le côté cow-boys, western et tout ça.

Je travaille d’ailleurs actuellement sur un nouvel album qui se déroule en 1609 au Québec et s’appellera Iroquois. Il sera publié chez Daniel Maghen dans le même format que les précédents : une BD de 104 pages avec un supplément graphique dans lequel les lecteurs pourront découvrir certains de mes travaux pour construire la bande dessinée.

Comment avez-vous été amené à travailler sur Montmartre dans Les Poulbots, votre dernier titre ?

Je vais régulièrement à Paris et j’aime Montmartre. Il y a une dizaine d’années, j’ai visité le Musée de Montmartre où j’ai redécouvert le travail de Francisque Poulbot.

Quand mon fils m’a demandé un one-shot pour développer le département BD de sa jeune maison d’édition, Margot, qui est plutôt spécialisée dans la littérature jeunesse, ça a été comme une évidence. Pour moi, c’était une coupure, un changement d’univers, une parenthèse qui m’a permis de me replonger ensuite dans l'univers des Indiens avec encore plus d’entrain.

Pourquoi avez-vous décidé de travailler avec l’éditeur et galeriste Daniel Maghen à qui vous restez fidèle ?

J'ai carte blanche sur les sujets et la pagination et il y a vraiment une très bonne ambiance dans l’équipe. C'est une petite structure éditoriale, mais très performante dans la réalisation de beaux livres. Pour un dessinateur, il est toujours extrêmement appréciable de voir son travail valorisé.

La sortie d’un album est souvent accompagnée d’une exposition de dessins et planches originaux. Le reste du temps, on peut trouver mes planches originales à la galerie, avec de nombreux autres auteurs.



Que vont pouvoir découvrir les visiteurs pendant ces deux mois d'exposition à la médiathèque de Quimperlé ?

Des planches originales, mais aussi des dessins, des recherches, des brouillons... J’ai malheureusement trop de travail pour me rendre à Quimperlé. Mais d'une manière plus générale, c'est vrai que j’apprécie l’exercice de l’exposition. Je pense qu'il permet un échange avec le public et donne à voir la substantifique moelle du travail de dessinateur, si je puis m'exprimer ainsi [rires]. Il n’y a rien qui parle plus qu’un original pour un lecteur.

Un autodidacte inspiré par les impressionnistes, Pratt et Loisel

Vous avez de nombreuses influences, que ce soit en peinture, en bande dessinée et en art de façon générale. Pouvez-vous nous en citer quelques-unes qui ont marqué votre parcours d'auteur de BD ?

Il y en a tellement... En peinture, je suis impressionné par… les impressionnistes ! Mais j’aime aussi beaucoup la vague précédente des néo-classiques comme Delacroix, Goya, les peintres américains comme Hopper. Les illustrateurs d'outre-Atlantique m'ont aussi beaucoup marqué.

En BD, Hugo Pratt pour la mise en scène d’un récit et l’utilisation de l’espace. Mais j'aime aussi beaucoup le travail de Régis Loisel, et bien sûr celui d'Emmanuel Lepage qui est aussi un ami… L'ensemble de mes lectures de jeunesse m'ont aussi énormément influencé : tout ce qui a trait au Nouveau-Monde comme Blek le Roc...

Comment avez-vous appris le métier ?

En autodidacte. L’avantage, c’est qu’on est toujours en recherche. Cela prend beaucoup de temps de tout apprendre seul mais à la sortie, des fois on en gagne. Je cherche, je creuse sans arrêt, je vais voir ce que font des aquarellistes... Il faut prendre des choses partout où on les trouve pour s'en inspirer.

Quel est votre point de vue sur la marche des auteurs qui a eu lieu à Angoulême cette année en janvier ?

Ouh là ! Sujet périlleux... Alors, sur le fond, c'est à dire que nous, auteurs de bande dessinée, nous nous acquittions de la cotisation de 8% sur nos revenus : je suis d'accord car c'est ce que l’État demande à tous les Français. Il n'y a donc pas pas de raison que nous ne participions pas comme tout le monde.

Là où en revanche je ne suis pas du tout d'accord, c'est qu'on sait bien que les éditeurs paient de moins en moins et que c'est très difficile pour certains jeunes auteurs qui sont très mal payés.

Si les auteurs de bande dessinée étaient bien payés, alors les 8% ne poseraient pas trop de problème. Mais les albums se vendant moins bien, on sait bien que les éditeurs n'ont aucune raison de se mettre à payer plus leurs auteurs : c'est un serpent qui se mord la queue.

Est-il difficile de vivre de la bande dessinée ?

Je n'ai pas à me plaindre mais je ne suis pas du tout représentatif du métier. Cela dit, si j'étais allé à Angoulême cette année, ce qui n'a pas été le cas, j'aurais bien sûr fait partie de cette marche.

Avez-vous d'autres projets en-dehors de votre prochain album, Iroquois ?

Je réalise toujours des illustrations pour la revue Guerre et histoire. Je pense qu'après cette pause sur Les Poulbots, je vais rester un peu sur le Nouveau-Monde. Mais j'aimerais aussi vraiment beaucoup traiter la débâcle de la retraite de Russie car je pense qu'il y a là une petite histoire à raconter dans la grande Histoire. J'ai beau parfois prendre des chemins détournés, je reviens toujours à l'historique. Je ne sais plus qui disait qu'on fait ce qu'on aime lire et c'est quelque chose de très vrai pour moi.



Préférez-vous travailler seul ou avec un scénariste, comme cela a déjà été le cas, par exemple avec Tiburce Oger sur Canoë Bay ou Jacky Goupil sur Nelson et Trafalgar ?

Quand on travaille seul, c'est sans filet. Le scénariste est notre premier lecteur. Il faut vraiment commencer à dessiner quand on est sûr de son histoire... C'est plus de compromis de travailler à deux mais là où c'est pas mal, c'est qu'on ne fait pas toujours ce qu'on a envie de faire et ça apporte de la maturité, ce dont je manquais peut-être un peu au début, dans Fol par exemple. J'aime bien les deux, c'est très différent.

Infos pratiques :

Accès libre et gratuit à l'exposition Le Nouveau-Monde de Patrick Prugne
du mardi au samedi jusqu'au mercredi 29 avril 2015 :
Médiathèque de Quimperlé
Salle Charlie Hebdo
18, place Saint Michel
29300 Quimperlé

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