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Une Cruelle Comptine

Des poupées de chiffon prennent vie, des sorciers manipulent la chair et la matière pour y insuffler la conscience. Les esprits gouvernent le monde. Bienvenue dans Ici vont les morts, un conte noir fortement inspiré des mythes vaudous. Valériane Duvivier publie cette histoire en ligne depuis fin 2011, et alors que le financement de la version album vient de se terminer avec succès sur Ulule, elle a bien voulu répondre à nos questions !

Vivre et laisser mourir

Qu’est ce qui vous a mené à ce projet ?

Valériane Duvivier : J’ai fait des études d’illustration et de 3D, puis j’ai travaillé un temps pour un éditeur de jeux vidéo pour enfants sur internet. C’est à peu près à cette époque que j’ai commencé à travailler sur Ici vont les Morts, je dessinais tellement d’animaux mignons et « politiquement corrects » à l’époque qu’il me fallait quelque chose pour contrebalancer un peu !

Je dessinais des poupées vaudous pour m’amuser, et Mojo est apparue à ce moment là. Après la crise du jeu vidéo, je n’ai pas retrouvé de travail et je suis actuellement vendeuse dans un magasin de Beaux-Arts, ce qui me laisse plus de temps pour travailler sur Ici vont les morts.

Quelle a été la genèse du projet ?

J’ai toujours été intéressée par tout ce qui concerne la magie et le paranormal, pour des raisons scénaristiques (rien à voir avec la croyance). Paradoxalement, mon premier contact avec le vaudou c’était avec un vieux film de James Bond, Vivre et laisser mourir. J’ai aussi été beaucoup inspirée par l’esthétique de Tim Burton et de vieux films d’horreur des années 60, des univers plutôt joyeux en somme !

Je suis aussi une grande fan de fantasy de manière générale et de tout ce qui concerne la magie et les créatures fantastiques sous toutes leurs formes. J’aime particulièrement les univers de Neil Gaiman et d’Hayao Miyazaki par exemple. Quand j’ai commencé à dessiner les poupées vaudous, j’avais d’abord l’idée d’en faire un jeu vidéo, mais ça n’a pas abouti. J’ai commencé à écrire le scénario : j’avais de plus en plus envie de me lancer dans un projet BD mais je ne me sentais pas encore prête graphiquement.

Pourquoi ce rythme de publication hebdomadaire ?

L’histoire d’Ici vont les morts n’est pas très bien adaptée au format webcomic, je m’en suis rendu compte un peu trop tard. Mes pages ne se suffisent pas à elles-mêmes, je pense qu’il est plus agréable de les lire d’un coup plutôt que d’en attendre une nouvelle chaque semaine. Mais ça m’oblige aussi à être régulière dans mon travail et à tenir mes délais !

Vous avez fait le choix d’un album en noir et blanc, mais en lui donnant pourtant un trait presque innocent, enfantin. Pourquoi ce choix ?

Comme beaucoup d’enfants de mon âge, j’ai grandi avec les mangas. J’ai appris à dessiner devant Les Chevaliers du Zodiaque ! C’est aussi quelque chose que j’ai travaillé, parce qu’un trait très clair, arrondi et exagéré était très demandé lorsque je travaillais sur des jeux vidéos pour enfants. Ça m’est resté, c’est devenu mon style naturel.

Je voulais aussi absolument qu’Ici vont les morts soit en noir et blanc, pour des questions de temps évidemment, mais surtout parce que j’adore les comics d’Ursula Vernon, un noir et blanc très intense qui m’a vraiment marqué.

Quelles techniques de dessin avez-vous utilisées ?

J’ai commencé avec une technique assez chronophage : je dessinais chaque case sur un format A4 avant d’encrer au stylo-pinceau. Depuis 6 mois, je suis passé à l’encrage sur ordinateur, maintenant que j’ai attrapé le coup de main !

Pourquoi avoir choisi de lancer votre campagne de financement sur Ulule ?

J’ai déjà participé à deux campagnes de financement sur Ulule. J’ai d’abord travaillé sur un jeu vidéo qui a été financé sur Ulule, mais je n’étais pas en charge de la campagne, je n’étais pas créatrice du projet. La deuxième fois, le projet n’a pas été financé, c’était un projet d’art-book, mais ça m’a permis d’apprendre beaucoup pour Ici vont les Morts. Le choix s’est donc fait assez naturellement !

Offrandes et Sacrifices

Quels éléments du vaudou vous ont particulièrement inspirée ?

Il y a beaucoup d’interprétations dans le vaudou que je mets en scène dans Ici vont les morts, et beaucoup d'approximations ! Je ne cherche pas à en donner une représentation trop réaliste mais je ne veux surtout pas le dénaturer non plus. Il y a surtout beaucoup de principes que je n’ai pas repris de manière littérale. J’ai d'abord utilisé les esprits, les Loas, qui sont les protecteurs d’un concept, d’une personne ou d’un endroit. Les grigris apparaissent sous différentes formes, les broderies et le collier de Sunday par exemple.

Il y a ensuite les personnages qui ont des pouvoirs sur un élément précis : le grand-père de Naïma peut manipuler le feu, sa femme peut soigner les animaux, etc. Chaque pouvoir est clairement limité. Du coup, si un personnage a besoin de faire quelque chose de plus, sa seule possibilité est de demander l’aide des Loas grâce à des rites particuliers, des offrandes voire des sacrifices. Sunday a par exemple dû faire un sacrifice pour animer Mojo, sa poupée.

Vous faites aussi références à d’autres croyances, avec par exemple le personnage du Golem…

Quand je développais Ici vont les Morts, j’ai dessiné beaucoup de poupées différentes. J’ai dessiné une poupée inspirée par une gourde, une autre par une fraise, etc. J’ai cherché différentes créatures animées, et je suis finalement tombée sur le Jacquemart et le Golem, deux figures qui m’ont beaucoup intéressée et que j’ai gardées en tête. Quand j’ai écris l’apparition de Jack, le Jacquemart, je n’avais gardé que lui, mais il me manquait quelque chose. J’ai donc pensé à rajouter le Golem, le mélange des cultures était intéressant.

Pourquoi avoir ouvert sur la comptine de Solomon Grundy ?

D’abord pour des raisons scénaristiques, que je ne peux malheureusement pas expliquer sans ruiner une partie de l'histoire qui n’est pas encore publiée ! Mais c’est aussi un clin d’œil au cinéma d’horreur où la comptine est un cliché récurrent du genre pour installer l’angoisse. Enfin c’est la comptine préférée de Sunday, qui l’aime beaucoup parce que son nom y figure...


Comment avez-vous choisi les personnalités à donner aux poupées ?

Les poupées sont leurs propres personnages, je ne suis pas partie des personnalités pour les donner aux poupées, mes personnages étaient dès l’origine des poupées. Dès le début, je savais que Mojo serait très innocent, il vient seulement de naître et n’a aucune notion du bien ou du mal. Il pourrait très bien mal tourner en fait !

Pour Sad, je savais aussi dès le début qu’elle n’allait pas beaucoup parler, elle est très silencieuse et ne s’exprime vraiment que grâce à ses gestes. Mais je sais aussi que c’est une petite manipulatrice malgré tout [rires].

Combien de chapitres prévoyez-vous pour Ici vont les Morts ?

Pour l’instant je prévois 7 chapitres, qui devraient être terminés d’ici un an ou deux. J’envisage aussi de travailler sur un projet un peu plus court, qui serait basé sur des légendes russes dans un style assez différent qu’Ici vont les morts, une histoire plus légère et plus accessible à jeune public. Ce serait raconté du point de vue d’une petite fille, Anita, qui raconte tout ce qui se passe d’étrange autour d’eux. Après avoir rencontré Baba Yaga, ils partiront à la recherche d’un animal mystérieux pour le compte du Tsar...

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