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Colonie de vacances post-apocalyptique

Après les Chroniques des Immortels, Thomas Von Kummant retrouve son compatriote Benjamin Von Eckartsberg pour Gung Ho. Toujours au dessin, cet amoureux des univers graphiques nous raconte comment est né l’univers post-apocalyptique dans lequel est planté Fort Apache et les adolescents de Gung Ho.

Un récit tête brulée

Comment est né Gung Ho ?

Thomas Von Kummant : Comme Les Chroniques des Immortels étaient une adaptation d’un roman, Benjamin et moi avions envie de créer notre propre histoire. Comme Benjamin est aussi un dessinateur, on regardait ensemble pas mal de livres d’illustration. Et dans l’un d’eux, on a trouvé une illustration, pas vraiment sublime, mais très intéressante. C’était une tâche de gazon jaune sur une colline, avec un adolescent assis là sous un lampadaire, au milieu de la nature. Et là Benjamin, m’a dit : cet adolescent en train de fumer doit guetter quelque chose…

Et en 2006, on est allés ensemble à Sydney. Là, il m’a raconté une scène d’ouverture de BD, qui d’ailleurs n’est finalement pas dans la série... On y suivait un adolescent qui commence sa journée normalement : il prend son petit déjeuner avec ses parents, qui lui souhaitent bonne chance pour son examen, très important. Comme n’importe quel ado, il sort vers l’école, mais on se rend compte que les maisons ont des choses bizarres construites sur les toits. Ensuite au lieu de se diriger vers l’école, l’adolescent entre dans arène et son examen c’est de tirer sur un animal. Et quand il a réussi ce test, il peut sortir des grands murs qui entourent la ville. Là j’ai dit waouh !

Comme en plus ma grande fille était en train d’entrer dans l’adolescence, on s’est dit qu’on tenait un sujet idéal : des ados dans un univers post-apocalyptique. On a tout mélangé et écrit l’histoire.

D’où vient le titre Gung Ho ?

Benjamin a trouvé ça lorsqu’il était en vacances ! Il grimpait sur une falaise et sautait dans l’eau. Un ami à lui, anglophone, n’osait pas sauter, donc il lui a crié dessus pour qu’il le fasse. Le soir, cet ami lui a dit « Benjamin, tu avais une attitude très Gung Ho, à la falaise ». C’est là qu’il a découvert le mot et on s’est dit que ça collait bien à notre histoire, ce mot très tête brulée…

Comme travaillez-vous avec Benjamin ?

Au début, Benjamin a plein de choses dans la tête, donc il me fait pas mal de croquis pour me montrer ses idées. Ses croquis, je peux les intégrer comme ça ou lui proposer des modifications, ça dépend : le but est d’avoir la meilleure histoire possible ! C’est pareil quand je fais le storyboard, je cherche comment l’émotion peut passer au mieux et on change les dialogues à ce moment là pour les ajuster.

Tous les deux, avec Benjamin, vous avez pas mal de vos passions dans cette BD, dont la musique et le karaté...

Dans un sens oui, puisqu’on fait une BD qui nous ressemble ! Mais d’un autre côté, tout le monde connait Karaté Kid par exemple, donc ce sont des références qui parlent et qui tiennent la route dans un monde pas si lointain où l’apocalypse a eu lieu ! La musique est une sorte de bande-son donnée à la BD pour offrir une émotion supplémentaire si les gens connaissent la chanson. D’ailleurs j’ai écris une chanson pour l’album et on verra si on peut la mettre en musique par la suite pour créer une vraie bande-son à Gung Ho !

Comment avez-vous créé ces nombreux personnages, très différents ?

J’ai commencé à les créer quand Benjamin a fini d’écrire toute l’histoire, ça me permet de mieux cerner leur personnalité et leurs liens. Ensuite je fais ma petite cuisine pour les faire naître. Au début, on a beaucoup parlé de combien pouvaient être abstraits les personnages. Je les aurai encore volontiers rendus encore plus abstraits, mais comme le ton du récit est assez réaliste, je trouve qu’on a trouvé un bon compromis.

L'apocalypse sans zombies

Votre trait a totalement changé des Chroniques des Immortels à Gung Ho.

Je voulais un style complètement différent pour cette BD. Comme je travaille aussi beaucoup pour des films d’animation, j’ai l’habitude de beaucoup changer mon trait pour chaque histoire. Je n’aimerais pas du tout avoir un style figé étiqueté « le style de Thomas Von Kummant » ! [Rires]

Gung Ho a été créé directement pour la France et comme les peintres français ont un travail du trait fantastique, je me suis dit que je ne pourrais pas faire mieux. Donc j’ai supprimé complètement les lignes. J’ai travaillé comme un collage : je coupe des silhouettes que je colle sur des couleurs et des textures sur ordinateur.


C’est l’apocalypse et vous arrivez à rendre le tout sublime et grandiose.

Beaucoup d’histoires post-apocalypse sont sales, grises et poussiéreuses, comme des histoires de guerre. A l’inverse, je me suis dit que l’histoire doit être belle puisqu’elle est centrée sur les adolescents, qui savent trouver des moments « romantiques », même au milieu de nulle part. Pour eux, c’est une sorte de colonie de vacances, qui contraste avec le danger au-delà des murs.

Comment sont nés les trois types de singes infectés, la fameuse menace ?

Les rippers sont nés car on cherchait une menace. Ca aurait très bien pu être des zombies, mais je n’aime pas les dessiner… On s’est dit qu’il fallait des animaux avec différentes types dans la même espèce, qui ont chacun leur fonction. Un peu plus tard, on verra ce qui existe d’autre comme menace…


La question de l’histoire n’est pas d’où vient l’épidémie, les personnages en parlent, mais personne ne sait d’où ça vient. Jusqu’au point où notre récit est écrit, la cause de l’épidémie n’est pas donnée, mais plus tard qui sait…

D’ailleurs vous avez fait un clin d’œil au récit de zombies.

Oui, dans le début du premier tome, car The Walking Dead sortait en série télé et on voulait vraiment jouer avec les attentes des lecteurs. Qu’on se dise, voici un récit de zombies et puis non ! D’ailleurs si on avait fait un récit avec des zombies, ça l’aurait fait pour les effets de masse, mais c’est trop lent pour des adolescents : s’échapper aurait été trop facile pour. D’où les rippers.

Comment avez-vous construit Fort Apache ?

On savait ce dont on avait besoin pour l’histoire : en haut de la falaise il fallait une vieille ville, un peu comme en Toscane mais aussi une crique derrière la falaise, une grande villa. On n’a pas décidé où Fort Apache est situé exactement, mais c’est quelque part dans le Sud de l’Europe.

Votre univers s’agrandit au fur et à mesure des tomes…

Oui, le récit va de plus en plus à l’extérieur, mais on n’ira pas jusqu’à d’autres continents par exemple.

Il y a un singe très mignon à la fin du livre, d’où sort-il ?

Dans notre studio, il y avait un peintre connu qui fait du street art. Donc on a créé cette mascotte qui met en avant un ripper en street art. D’ailleurs je me dis que même à Fort Apache, il y a bien quelques personnes qui vont faire du street art et que cet art y a d’ailleurs totalement sa place !

C’est pour cela qu’on en voit dans la BD et que je m’en suis servi pour la fresque qui se moque de la gouverneuse. C’était l’idéal pour créer quelque chose de fort et de drôle, de la main d’un adolescent.

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