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Entrez dans le cerveau d’Enki Bilal

Situé à Landerneau, dans le Finistère, le Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la Culture multiplie les grandes expositions. Et avec un mordu comme l'est Michel-Edouard Leclerc, le neuvième art n'est pas en reste. Pour le second semestre, l'oeuvre titanesque de Bilal est à l'honneur. Victime de son succès, l'exposition est prolongée jusqu'au 29 août 2021. Entretien avec l'artiste, Enki Bilal, 68 ans.

L'exposition est prolongée jusqu'à

L'exposition est prolongée jusqu'à"au 29 août 2021 © Vincent MOUCHEL



Comment avez-vous mis cette exposition sur pied ?

Enki Bilal : Elle donne à voir une part de ma mémoire cachée. J’ai déterré des œuvres que nous voulions mettre en valeur avec Serge Lemoine, le commissaire [N.D.L.R. : ancien directeur du Musée d’Orsay et coréalisateur de l’expo Enki Bilal « Animal’z » en 2009 à Paris]. Je trouve ça moins arrogant et plus intéressant que si j’avais tout pensé seul. Serge m’a proposé trois grands espaces : les formes (dessin, composition, couleur et grisaille), les thèmes (violence, géopolitique, métamorphose et intimité) et les sujets (humain, ville, cosmos, machine et animal). Je revisite aussi Guernica de Picasso. Le scénographe Jean-Julien Simonot voulait permettre au public d’entrer dans ma tête, pour voir ce qui se passe dans mon cerveau…

Quel a été votre premier sentiment en la découvrant ?

Enki Bilal : Tout est lié : c’est troublant. Au départ, il y a le dessin. Puis la couleur, le récit, les humains, leurs lieux de vie, les architectures de leurs villes, leurs inventions, leurs machines, leur amour pour la violence, la création de systèmes politiques et géopolitiques. On arrive à l’hybridation, au transhumanisme. Tout ça est en résonance avec mes illustrations, avec mes installations et avec mes films. Que l’on aime ou non mon travail, je suis sûr d’une chose : il est cohérent.


Qu’est-ce qui vous a fait entrer dans l’art
?

Enki Bilal : Cela s’est fait sans que je m’en aperçoive, à force de dessiner. À dix ans, le fait de quitter mon pays natal, la Yougoslavie, a été un traumatisme. Mais j’ai découvert la langue française et la bande dessinée franco-belge : une belle consolation !

Enki Bilal investit le monde de la BD en 1971

Enki Bilal investit le monde de la BD en 1971 © Vincent MOUCHEL

Qu’est qui vous inspire dans le cinéma?

Enki Bilal : Tout mon travail est guidé par l’humain qui est à l’origine même de la création et de l'art. La première fois où j’ai dit « Moteur ! », j’ai stressé. J’ai eu la chance de trouver des acteurs fascinés de sortir de leur réalisme et du cinéma classique qu’on leur proposait habituellement : Julie Delpy, Richard Bohringer, Michel Piccoli, Marie Laforêt… Tykho Moon est sorti dans des conditions extrêmement difficiles et c’est ce qui m’a plu : pas de financement, une frilosité des décideurs français pour ce genre de projet. C’est pire maintenant, notamment pour les séries : l’esprit français est très formaté. Le Bureau des Légendes, c’est l’arbre qui cache la forêt, l’exception qui confirme la règle.

La Croisière des oubliés, Partie de chasse, La Trilogie Nikopol, Le Sommeil du monstre… Qu’avez-vous préféré créer ?

Enki Bilal : . Parce que c’est un album lié à un événement extrêmement violent de ma vie : l’éclatement de la Yougoslavie. Cette série a été une renaissance qui m’a impliqué dans une œuvre ambitieuse. Désarçonner la critique BD m’a beaucoup plu ! Cette série m’a déverrouillé et donné envie de continuer.
Après La Trilogie Nikopol, j’étais arrivé à une saturation technique dans la BD traditionnelle. L’idée de découper la planche image par image et de monter sur ordi des cases indépendantes m’a redonné la liberté d’un réalisateur derrière sa caméra. C’est un album charnière, ma relance artistique.


Article publié dans le Mag n°77 - Septembre - Octobre 2020

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