Patria

Si l’ETA dépose les armes en 2011, le pays n’en reste pas moins déchiré par des années de conflits, le plus souvent meurtriers. C’est le moment que choisit Bittori pour revenir au village ou jadis son mari s’est fait tuer au nom de cette résistance nationaliste aveugle. Plongée au cœur des souvenirs, du traumatisme basque!

Au fil des pages de cet impressionnant volume de près de 300 pages, nous suivons l’histoire de deux familles, au centre desquelles se tiennent deux mères, au caractère extrêmement fort, Bittori et Miren, marquées au fer rouge par cette histoire pleine de violence qui va les amener à s’éloigner l’une de l’autre. À travers ces destins se reflète le déchirement fratricide profondément intime qui ronge le pays dès le début des années 80 et qui va servir de décor à toute l’intrigue.

Librement adapté du best-seller de Fernando Aramburu © Ankama

Bittori a perdu son mari Txato, assassiné pour avoir refusé de verser l’impôt révolutionnaire exagérément élevé que lui réclamaient les nationalistes. Quant à Miren, son fils Joxe Mari est emprisonné à vie pour avoir participé très activement à plusieurs attentats.

À la base, le roman original de Fernando Aramburu adopte une narration mosaïque particulièrement audacieuse et troublante, où s'entrelacent les voix de chaque personnage dans un fascinant maelström d’émotions polyphoniques. Pour relever le défi de cette adaptation, Toni Fejzula opte pour une solution chromatique en attribuant à chacun une couleur donnée, ce qui nous permet d’identifier les narrateurs au gré de leurs interventions!

Un armistice inédit qui bouleversera le destin d’une Espagne divisée © Ankama

Et c’est un choix particulièrement pertinent, tant le scénario est intense et elliptique. On passe d’une époque, d’une scène à l’autre, sans crier gare, il faut rester attentif. L’écriture est en contrepartie extrêmement adroite et subtile, explorant l’existence de tous les protagonistes et l’impact qu’ont pu avoir sur eux tous ces événements. Beaucoup de justesse dans ces différents portraits qui s’attardent sur les petits gestes, les histoires de couples, les relations inter générationnelles complexes et les morceaux épars qui tentent de se rassembler tant bien que mal.

L'histoire de deux familles que tout oppose © Ankama

Mais le plus impressionnant reste encore l’incroyable leçon de bande dessinée que nous offre Toni Fejzula qui repousse les codes du genre avec virtuosité. Chaque planche est magnifiquement composée, chaque cadrage précis, chaque choix de couleur, de texture, extrêmement pertinent. On est tout simplement éblouit!

Une éblouissante démonstration, pleine de finesse, l’album de ce début d’année!