La justesse du ton et la poésie du dessin, enrichis d’une petite dose de fantastique, donnent le récit d’un drame que connut un village normand à la fin de la Seconde Guerre mondiale, prenant jusqu’à son dénouement.
Rodolphe a imaginé un de ces récits d’ambiance dont il a le secret. Daniel passe ses vacances en Normandie chez sa grand-mère, autour de 1960. C’est la campagne et il s’ennuie un peu. Il va faire la connaissance d’un adolescent de son âge, Paul, un garçon un peu mystérieux qui vit avec sa mère dans un vieux moulin surnommé « Écoute-s’il-pleut ». Daniel va guetter les apparitions de Paul, d’autant qu’il a une très jolie maman qui le fascine.
Cette rencontre, Daniel la garde dans un premier temps pour lui. Elle va faire remonter dans les mémoires un évènement du village datant de la Seconde Guerre mondiale : une histoire d’amour entre une jeune veuve qui vivait avec son fils dans le vieux moulin et un bel officier allemand. Une liaison forcément mal vue. Un drame se cache-t-il derrière ce coup de foudre ? Pourquoi Daniel a-t-il ce qui semble être des visions issues d’un passé qu’il n’a pas connu ?
Écoute s'il pleut © Daniel Maghen
Une ode à nos campagnes d'autrefois
Rodolphe a un vrai savoir-faire pour créer des récits oscillant entre peinture du quotidien et aventures teintées de fantastique. Patrick Prugne le complète bien, avec son dessin délicat et ses couleurs poétiques. Le vieux moulin est particulièrement bucolique tout comme les chemins, petites routes perdues dans la nature et scènes de village. Cette histoire est une ode à nos campagnes d’autrefois, comme le confirme la longue lettre (fictive) en fin d’ouvrage.
Le talent d’écriture de Rodolphe et la finesse des décors de Prugne réussissent clairement à faire passer le message. Mais la carte de la nostalgie ne suffit pas, ce qu’a bien compris le scénariste. Les réactions des différents personnages secondaires apportent une subtile saveur au récit : les énigmatiques réticences de la grand-mère de Daniel, la coopération spontanée de l’instituteur… rien n’est gratuit. Les auteurs mettent tranquillement en place les pièces du puzzle. Le tempo n’est jamais précipité, mais on n’est pas non plus dans l’éloge de la lenteur. C’est ce qu’on peut appeler un juste dosage.
Le coup de théâtre final est bien amené, apportant son lot d’émotion. Le lecteur ne devine la supercherie que quelques pages avant, et ce, grâce aux indices que les auteurs lui laissent saisir avec bienveillance.
Article publié dans le Mag ZOO N°100 Septembre-Octobre 2024