Philippe Bonifay s'attaque au conte sanguinaire le plus célèbre de l'imaginaire collectif. Seulement, à trop vouloir rapprocher le conte de la réalité, il en a oublié l'essence et détourné sa symbolique originelle. Le dessin alambiqué de Stéphane Duval achève de défigurer ce récit pour de bon...
Au-delà de l'histoire d'un être perturbé massacrant ses épouses les unes après les autres, le conte de Barbe bleue est une réflexion sur la curiosité. C'est bien ce si vilain défaut qui précipite toutes ces femmes vers une mort atroce. Aussi, quelle idée folle a eu Philippe Bonifay d'en faire une malédiction divine brisant le destin de deux frères comme la peste a brisé celui de l'Europe !
Si le récit de Philippe Bonifay est intéressant en lui-même, sa transformation de la légende de Barbe bleue en malédiction divine digne d'un chapitre de la Bible est maladroite. Affubler son héros d'un bijou bleu à la barbe comme clin d’œil au conte est presque gênant. Il aurait peut-être fallu assumer que l'histoire de ces jumeaux n'ait aucun rapport avec le conte originel pour que cet album soit appréciable.
La gêne scénaristique se ressent également dans le dessin de Stéphane Duval. A force de vouloir déformer les traits de ses personnages, il ne parvient pas à installer un style fixe tout au long du tome. Le tout donne un rendu à la qualité inégale. Les femmes, et notamment l'unique Noire conquise par le héros, sont juste magnifiques mais d'autres planches, notamment les scènes de foule, sont décevantes.
Barbe bleue, conte pourtant très intéressant, est trop peu souvent exploité avec succès. Il est dommage de constater que cette adaptation de Bonifay et Duval n'échappe pas à la règle.