Sait-on aussi émouvoir quand on est un as pour faire rire à travers ses crobards de tous poils ? Gotlib, oui. Dans cette autobiographie qui s'attache à retracer les premières années et son enfance de petit juif, l'auteur prolixe et fondateur d'un mensuel tordant raconte. Une autobiographie drôle et touchante.
Gotlib fait rire. Ses nombreux lecteurs se poilent dans ses Rubrique-à-brac, ses Rhââ Lovely ou Superdupont, must du anti-héros. Quand le fondateur de Fluide Glacial raconte sa vie, ça donne une autobiographie forcément pleine d'humour. Mais aussi de tendresse et de compassion. Car l'enfance du dessinateur à la coccinelle n'a pas franchement été drôle.
Juif et encore haut comme trois pommes, il porte l'étoile jaune. Élevé entre la rue Ramey sur la butte Montmartre et un orphelinat où le place sa mère, le petit Marcel passe la Deuxième Guerre mondiale dans une ferme avec une chèvre pour seule compagnie. Un début de vie à la rude ponctué par son premier amour. Entre avoir vécu une enfance difficile et savoir la raconter avec justesse, il y a un fossé que Gotlib saute sans entrave.
Une sélection de planches liées justement à l'enfance est présentée en fin d'ouvrage. Car c'est un de ses thèmes préférés. Gotlib sait jouer avec son crayon autant qu'avec le langage. Il parvient, par le prisme de son dessin 100 000 volts, à aborder de façon très marrante des thèmes profonds et parfois affreux, comme la Shoah (son père est mort en déportation).
Cette autobiographie bien sentie est une réussite. Dargaud ne s'y est pas trompé en rééditant ce bouquin paru chez Flammarion en 1993. Plus de vingt ans après, le regard de Gotlib sur la société est toujours aussi aiguisé. Il ne prend pas une ride, en témoignent les expositions de haut vol qui lui ont été consacrées ces deux dernières années. Et le retour de ce très bon livre.
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