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Exposition Junji Itô : dans l'antre du délire

Junji Itô est un Maître de l’horreur. Ceux qui l’ignoraient ou en doutaient ne peuvent que ressortir convaincus de cette riche exposition présentant près de 200 œuvres, couvrant 35 ans de carrière. Une visite vécue en présence de l’artiste.

Ce 25 janvier après-midi à Angoulême, il y a beaucoup de monde dans l’espace Franquin pour la visite commentée de l’exposition « Dans l’antre du délire ». Car Junji Itô va la découvrir avec nous. La consigne est donnée : il faut porter un masque chirurgical si on veut entrer avec le Maître. Quand arrive le mangaka, il se retrouve cerné d’appareils photos. Stoïque, il se prête au jeu de la séance de pose devant quelques-uns de ses originaux. On attend Stéphane du Mesnildot, le commissaire de l’exposition, qui guettait apparemment l’artiste à une autre porte.

Exposition Junji Itô : dans l'antre du délire

Junji Itô entouré de ses planches originales, Angoulême 2023
©Photo de François Samson

Commence enfin la visite guidée pendant laquelle Stéphane du Mesnildot va donner des clés de lecture aussi bien destinées au grand public qu’aux amateurs de mangas. Junji Itô observe impassible la mise en scène de ses originaux. Il a l’air aussi sage que son œuvre est folle. Il glisse quelques mots à sa traductrice qui nous apprend qu’il trouve l’exposition superbe. En effet, elle met bien en valeur près de 200 originaux, avec une scénographie aussi discrète que soignée.

Au fil des salles, les créations de l’auteur s’offrent à notre regard dans une semi-pénombre. Nous voyons entre autres : Soïchi, l’enfant terrible avec des clous dans la bouche; La Femme limace, histoire kafkaïenne à ne pas recommander aux personnes souffrant d’anthelmophobie ; Les Fruits sanglants, œuvre lovecraftienne dans laquelle une plante pousse depuis le cou d’une femme, devient un jardin puis un monde; Gyo avec un requin doté de pattes dégageant une odeur pestilentielle, contaminant l’homme; Spirale, où une obsession humaine devient réelle et finit par détruire l’humanité; Rémina, la planète de l’enfer, une planète cyclope vivante qui détruit la Terre en la léchant !

Exposition Junji Itô, Angoulême 2023

Exposition Junji Itô, Angoulême 2023 ©Photo de François Samson

Avec Itô, l’horreur naît du quotidien : si on ouvre une porte de ses pavillons de banlieue (dessiner des buildings ne l’intéresse pas), l’horreur peut surgir : tel ce personnage qui semble bondir vers nous en sortant de la case. Itô invente des créatures surprenantes, monstrueuses. Mais l’œuvre est plus sociale qu’il peut le sembler aux néophytes : l’artiste puise ses sujets dans la société japonaise. Quand il commence sa carrière au milieu des années 80, le Japon, en pleine fièvre consumériste, véhicule une idée superficielle et normative de la beauté, pouvant engendrer le harcèlement.

Tomié, exposition Junji Itô, Angoulême 2023

Tomie, exposition Junji Itô, Angoulême 2023
©Photo de François Samson

D’où la naissance de Tomie, première série de Itô, qui lui fera connaître le succès. La dernière salle de l’exposition est consacrée à la très jolie héroïne. Tomie est une adolescente peu banale suscitant un amour fou de la part des hommes. Ne pouvant pas la posséder, ils la tuent, mais elle revient à la vie à chaque fois. L’histoire de Tomie se rapproche initialement de la tradition des fantômes japonais. Puis Tomie évolue pour devenir une sorte de mutante : si on lui coupe la tête, elle repousse. La jeune fille se démultiplie même, comme le montrent certaines planches exposées.

Mis à part quelques grands panneaux explicatifs, l’exposition contextualise peu les originaux, indiquant l’histoire dont ils sont extraits, l’année et un rapide commentaire. Mais les images se suffisent à elles-mêmes, donnant clairement envie de (re)découvrir les productions de l’artiste, même si on peut être partagé entre attirance et répulsion face à l’horreur dégagée par certaines images. Un univers fascinant.

Angoulême2023

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