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Nicolas Debon s’essaye à la vie anarchiste

Les faits et la fiction

L’Essai n’appartient pas une histoire très connue et pourtant vous donnez des indications très précises : vous mentionnez une dispute entre Fortuné Henry, Adrienne Tarby et André Mounier. Est-ce une invention ?

Cet épisode part de plusieurs faits que j’ai lus. Des tensions entre Fortuné et André, notamment à cause de sa compagne, ont été rapportées. Je savais qu’André était bon musicien, flûtiste et qu’une mandoline accrochée à un mur était souvent décrochée le soir. J’ai mis ensemble ces trois anecdotes pour faire une scène.

L'Essai

Il existe quelques témoignages : j’ai lu des journaux d’époque, contacté des gens à Aiglemont, notamment une petite association qui s’intéresse à l’Essai. Personne de vivant aujourd’hui n’a connu la colonie, mais certaines personnes ont encore des souvenirs de leurs grands-parents. Le père d’une vieille dame d’Aiglemont avait acheté dans une vente aux enchères les meubles des colons, des meubles Henri II sculptés. Elle avait encore tout dans son garage : je les ai pris en photo !

L'Essai

On a perdu la trace de certains habitants de l’Essai comme Marcel, l’enfant de la colonie. Il y a même une certaine obsession autour de ce mystère chez les gens qui s’intéressent à cet épisode historique. Suite à cette bande dessinée, des historiens ont retrouvé les traces d’autres personnes : j’ai l’impression que mon ouvrage a un peu relancé la dynamique des recherches !

Il y a une foule de gens qui ont participé à cette colonie, comment avez-vous arrêté vos choix de personnages ?

Comme dans tout travail d’adaptation, il y a un énorme travail de mise en scène. Je n’avais jamais abordé un projet aussi complexe et avec autant de personnages. D’abord il n’y avait qu’une personne, puis trois, puis vingt... plus les gens de passage et les villageois ! Comment gérer tous ces gens ? Au départ, il y avait une vraie difficulté pour trouver un point de vue.

L'essai

J’ai pris le parti de me mettre dans la peau du fondateur de la colonie, Fortuné Henry en utilisant le « je narratif ». Cela ne veut pas dire que j’adhère complètement à sa personnalité. Son regard est subjectif : Fortuné Henry a deux facettes, j’aime son côté visionnaire, idéaliste, charismatique mais il est aussi autoritaire et peut être violent...

J’ai également beaucoup de sympathie pour André Mounier, le « géant roux » comme on l’appelait. On dit de lui qu’il dormait dans un espace grand comme un mouchoir de poche, sans lit, sans couverture. Ce côté ascétique me touche.

Le traitement graphique, notamment avec la gamme colorée restreinte, s’éloigne d’un traitement documentaire...

J’ai défini des couleurs dominantes, du noir, du blanc, une teinte chaude et une froide, l’orangé et le bleuté. Je me suis dit que traiterais tout l’album comme ça et me suis interdit d’utiliser d’autres couleurs. Mes personnages aussi sont simplifiés. Idéalement j’aimerais que le scénario et le traitement graphique aient le même décalage par rapport à la réalité, car dans ces deux aspects, j’ai traité l’histoire de façon très linéaire, très logique.

L'essai

Le processus général était de simplifier et d’épurer, peut-être pour s’approcher d’une certaine vérité, d’une certaine puissance. Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai l’impression de perdre cela si le traitement est plus élaboré, c’est un peu mystérieux.

Et pourtant tout n’est pas au même niveau d'épure : les forêts par exemple sont représentées d’une manière plus détaillée que les personnages...

L'essai

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