Trois ans après le premier tome de Sonata et dix-neuf ans après celui de Lou !, Julien Neel revient avec un album pétillant, poétique, surprenant, sensible… Autrement dit, un album de Lou ! comme on les aime. Rencontre avec le scénariste, dessinateur et désormais compositeur de la série culte.
Lou a été une petite fille amoureuse, une ado en construction. Qui est-elle maintenant ?
Julien Neel : Une jeune femme toujours pleine de doutes, de questionnements, mais aussi de joie et de bonheur. Elle est à la frontière entre études et vie professionnelle. Dans ce tome, elle fait l’expérience d’une aventure créative et collective, un peu comme dans La Cabane, en organisant un festival.
Lou ! Sonata - Tome 2 © Glénat, 2023
D’où vient l’idée du Dead dung fest ?
J.N. : J’ai toujours été un peu casanier, le propre de tous les auteurs de BD. Or, quand j’ai réalisé le film Lou, j’ai découvert le plaisir de travailler en collectif. En parallèle, mon frère Adrien m’a traîné pour la première fois dans des festivals. Moi qui étais un peu agoraphobe, j’ai adoré me retrouver dans la foule. Puis, quelques années après, je suis allé avec bonheur au Cabaret Vert. Par ailleurs, le concept de la série Sonata est de faire aussi des albums de musique. Alors, j’ai décidé de faire un tome qui se passe en temps réel, sans ellipse, où l’on suit Lou le temps d’un festival.
Ce tome est l’occasion de retrouver beaucoup de personnages.
J.N. : Je voulais faire un album collégial pour rendre hommage à tous les personnages croisés dans la série. Une manière aussi de contraster avec la solitude de Lou dans le tome 1 de Sonata.
La maman de Lou rencontre ses lecteurs… qui sont aussi les vôtres ?
J.N. : Oui. C’est complètement méta ! Depuis le début, il y a beaucoup de moi dans le personnage de la maman de Lou. On a le même rapport à nos livres et à notre succès inespéré. La rencontre avec les lecteurs dans ce tome est une façon de parler à ma communauté, qui est incroyable. Je fais aussi plusieurs clins d’œil aux lecteurs qui analysent mes albums, cherchent les histoires parallèles et les détails cachés depuis le tome 4.
Vous mentionnez l’incompréhension de certains lecteurs à partir du Tome 6 : L’âge de cristal.
J.N. : Je sais que certains ont été perdus, voire déçus. Mais je ne pouvais pas faire autrement. Je voulais déstabiliser, changer le fond et la forme, car Lou était dans une période de confusion, la fin de l’adolescence. J’ai opté pour une métaphore avec un univers incompréhensible. Je préfère faire un album un peu risqué que de rester prisonnier d’une même formule. Si les lecteurs ont grandi avec la série, moi aussi j’ai changé.
Lou ! Sonata - Tome 2 © Glénat, 2023
Le tome 2 de Sonata se termine sur un gros cliffhanger…
J.N. : Un des thèmes de cet album est le chassé-croisé : tout l’album, le lecteur est dans l’attente d’un événement qui ne se déroulera qu’à la dernière page…
L’ultime Lou ! ?
J.N. : Durant la première saison de Lou !, je pensais ne faire que huit tomes, dont le dernier apporterait une conclusion définitive à l’histoire. Au fil du temps, alors que je me dirigeais lentement vers cette fin, je me suis rendu compte que j’avais encore des choses à raconter. Quand j’ai lancé Sonata, je savais que le cycle se terminerait au tome 3. Pour autant, est-ce que cela signifiera mon divorce définitif avec la série ? Je n’en sais rien. Je me garde la possibilité d’inventer un nouveau format Lou ! dans 5 ans. Mais, après avoir travaillé 20 ans sur ce projet, j’ai envie d’explorer d’autres univers.
Pourquoi avoir amené de la musique dans Sonata ?
J.N. : Au début, l’intention musicale se réduisait au titre (sonata : petite pièce musicale en trois mouvements).
Au milieu du tome 1, j’ai eu l’idée de faire un morceau avec un copain pour accompa–gner sa sortie. Mais « ce petit truc » a pris énormément d’ampleur… On a alors formé un groupe : les Krystal Zealot.
Qui sont-ils ?
J.N. : Un groupe à géométrie variable. Le noyau originel est composé d’une dizaine de musiciens de jazz extrêmement brillants. Pour ce deuxième volume, on est
38 musiciens, dont une fanfare et un joueur de nyckelharpa, un instrument folklorique suédois très peu joué en France.
Lou ! Sonata - Tome 2 © Glénat, 2023
Un vinyle LoFi comme le précédent ?
J.N. : Pour le premier vinyle, on avait une esthétique LoFi et hip-hop (j’adore le hip-hop américain !). L’idée était de faire quelque chose de « Lou-Fi ». L’enfermement et la solitude de Lou appelaient un traitement musical impressionniste, abstrait. On avait fait une résidence avec des musiciens alors que j’avais fini le tome 1. Puis, un des deux producteurs a samplé les longues impros enregistrées.
Cette fois-ci, on a créé la programmation fictive du festival de Mortebouse (10 faux groupes, avec 10 biographies) alors que je n’avais que le scénario du tome 2. Il y a de la bossanova, du RNB, du métal joué par une fanfare, du rock progressif, de la pop électronique suédoise… Chacun des musiciens de Krystal Zealot s’est vu confier une chanson selon ses thèmes de prédilection et sa personnalité. Je me suis servi de ces musiques pour dessiner le tome 2.
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