Avec son fils Woody, Denis Robert fait le tour de sa province de cœur, la Lorraine, devenue en à peine trois décennies une région grandement sinistrée. Fer de lance de l’industrie minière, textile et sidérurgique, terre tantôt allemande, tantôt française, la Moselle est devenue une sorte de parc d’attractions dont on visite les vestiges de sa grandeur passée. Embarquons dans ce reportage qui vire à l’autopsie. Le constat est amer.
Grand Est est tiré de Vue imprenable sur la folie du monde, livre où l’auteur de L’Affaire des affaires continue d’explorer le dessous des cartes de la politique et de l’affairisme mondial sur un ton plus que désenchanté, inquiet de l’héritage que nous laisserons à nos enfants si rien ne change dans les dix prochaines années. Les cartes sont biaisées depuis belle lurette par les groupes financiers internationaux et les politiciens de tous bords, au mieux, impuissants, au pire à leur service.
Franck Biancarelli met plumes et pinceaux au service de ce puissant reportage avec ce qu’il faut d’humilité pour cadrer avec les ambiances d’une région qui n’est pas la sienne et croquer tous les personnages qui gravitent autour de Denis Robert de façon réaliste. Pour ce faire, il s’affranchit sensiblement du trait de Christian Rossi, son ancien mentor, et révèle ainsi ses capacités à se fondre dans de nouvelles expériences graphiques, hors les récits de fiction.
Grand Est se présente comme un raccourci idéal pour tous ceux qui hésitent à se lancer dans la lecture du roman initial et nous fait comprendre au fil des étapes de ce voyage que nos lendemains sont loin d’être rassurants quant à une possible et durable embellie. On se résigne en soupçonnant qu’aucun parti politique en lice pour les prochaines élections n’est en mesure de remédier à la dégradation de notre tissu économique et social. Les chiens ont beau aboyer, la caravane passe toujours.
Haut de page