En Alabama, pendant la Grande Dépression, un homme est emprisonné pour un homicide involontaire. Sa longue et cruelle chute est le fil rouge de cette BD dure et âpre comme le fut l’Amérique de cette époque.
Roscoe T. Martin a abandonné un travail qu’il aimait, celui d’électricien, pour exploiter la ferme de son épouse. Sa vie maritale est un échec et son exploitation au bord de la faillite. Pour sauver leur bien, il détourne une ligne électrique afin d’alimenter les machines agricoles. Ce branchement sauvage coûtera accidentellement la vie à un employé de la compagnie d’électricité et conduira Roscoe au bagne. Il n’en sortira que bien des années plus tard, brisé...
Alex W. Inker nous décrit ainsi une chute humaine dans une Amérique en chute elle-même, en proie aux chocs économiques et financiers, aux violences policières et au ségrégationnisme. Si les thèmes résonnent fortement aujourd’hui, cet impressionnant roman graphique nous plonge dans les années 30, avec ses dessins volontairement rétro, sa bichromie rouge-bleu avec sa trame Benday et même (suprême détail) le rebord bleu marine et le grain de sa couverture cartonnée, rappelant le charme des livres anciens. On croirait presque lire une BD d’époque !
Portrait d’une Amérique cruelle qui ne laisse pas de chance au plus faible, Un travail comme un autre démontre aussi justement que tous les emplois ne se valent pas… Si Roscoe n’avait pas abandonné sa fascination pour l’électricité, sans doute son destin aurait-il été différent. L’ouvrage se lit d’une traite malgré ses 176 pages. On se prend de sympathie pour Roscoe, ce loser sympathique, amoureux des livres (comme sa femme, leur seul point commun), cabossé par la vie.
Ce livre ne se révèle jamais mélodramatique malgré sa fin dramatique car le ton de sa narration s’avère terriblement juste. Roscoe, cet anti-héros constitue ainsi la plus forte des incitations à vivre sa vie et ses rêves.
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