Sylvain Runberg adapte en bande dessinée Le Syndrôme [E], un roman éponyme de Franck Thilliez, paru en 2010. Avec Luc Brahy, dessinateur, ils mettent en scène, avec rythme, cette enquête énigmatique basé autour d’un court-métrage qui pourrait rendre aveugle. Le Syndrôme [E] est le premier album des éditions Phileas qui débute leur collection avec ingéniosité et brio.
Dans la banlieue lilloise, le cinéphile Ludovic Senechal visionne le film d’un collectionneur, retrouvé accidentellement mort, la bobine à ses pieds. Conséquence: Ludovic en perd la vue. Quelques jours après, cinq cadavres, sauvagement assassinés sont retrouvés en Seine maritime.
Vous ne regarderez plus un film de la même façon après Le Syndrôme [E]... Nous voilà subitement immergés au cœur de deux affaires parallèles, extrêmement troublantes, qui s’avèreront liées. Les traits vifs de Luc Brahy font justement ressortir ce trouble, cette confusion. La policière Lucie Hennebelle, ex-compagne de Ludovic Senechal, et le lieutenant Franck Sharko vont s’allier pour élucider cette enquête. De fil en aiguille, les protagonistes s’avancent dangereusement vers de nouvelles pistes. Entre la Normandie, la région parisienne, Alger et Montréal, l’enquête se poursuit et alimente notre curiosité.
L’album parvient à produire un réel sentiment d’angoisse qui monte crescendo. Le Syndrôme [E] relate plusieurs faits réels tels que cette sombre affaire de maltraitance des orphelins de Duplessis, qui a eu lieu dans les années 40 au Canada. De même, la justesse de reproduction des lieux, clairement identifiables, nous permet de bien adhérer à la vraisemblance du récit. C’est justement la frontière entre le réalisme et le caractère fictionnel du récit qui cause ce trouble.
La science semble au cœur de cette tension. Comment peut-on impacter la conscience d’une personne par le simple visionnage d’images subliminales ? Pour quelle raison a-t-on recours à ces opérations criminelles ?
L’implication de nos deux enquêteurs dans cette affaire les rapproche ainsi toujours plus des criminels et de la folie. « Il y a deux séquences affreuses […] la petite fille qui tue le taureau, massacre des lapins avec d’autres enfants, à coups de masse!» explique l’une des victimes de cette bobine maudite.
Cette scène est-elle de l’ordre de la création filmique ou bien d’un documentaire d’épouvante? Lucie Hennebelle et Franck Sharko nous conduisent ainsi vers un enchaînement de crimes imprévisibles. Difficile de rester de marbre, surtout quand l’effrayante fiction semble prendre le pas sur la réalité.