David Ratte propose ici une belle leçon de narration. Porté par un dessin bien composé et agréable, Noé est une oasis d’harmonie et de fluidité. Les clins d’œil au monde contemporain ne sont pas trop appuyés et font le lien avec humour.
Dieu a expliqué dans un rêve à Noé de construire une arche, afin de permettre à toutes les espèces de survivre au déluge qui noiera l’humanité impie. Noé suit aveuglément les paroles de Dieu, épaulé (par amour) par son épouse. Le temps passe, leurs trois garçons ont grandi : un brun, un blond (alors que personne n’est blond, dans le pays) et un métis noir (il n’y a pas de noirs non plus). La fidélité de la femme de Noé ne semble pas être mise en doute. La raison sera sans doute donnée dans le 2nd tome du diptyque.
Le voyage des pères - 3e époque - Noé, T1 © Éditions Paquet, 2023
David Ratte déploie son talent de conteur sur les 25 premières années de la construction de l’Arche, en nous offrant un récit d’une grande lisibilité, truffé d’un humour malicieux. Son texte respecte dans les grandes lignes la trame décrite dans la Bible, comme il l’avait déjà fait pour sa vision de Jésus ou de Moïse dans les précédents cycles de Le voyage des pères. L’histoire est accessible aux personnes qui n’auraient jamais été exposées aux récits de la tradition chrétienne et rafraîchira la mémoire des autres : par exemple, David Ratte explique qui sont les Néphilims.
En filigrane, on comprend qu’il n’a encore jamais plu (pour les gens du cru, le concept semble très abstrait). On découvre aussi que le peuple auquel Noé appartient ne mange pas de viande et ignore que les œufs sont comestibles. Ces thèmes seront-ils exploités dans le tome 2 ? A suivre. Ratte nous gratifie aussi de diverses références au monde contemporain (un dialogue inspiré d’une chanson de Renaud, une allusion aux masques du confinement…) qui égaient l’album. Le dessin est à l’image du scénario, soigné, d’une grande lisibilité, avec des personnages aux trognes réussies telle celle de Mathusalem, le grand-père de Noé, permettant un duo contrasté et savoureux.
David Ratte maîtrise la recette qui a fait le succès des 1ers cycles de Le voyage des pères. Nous attendons donc le dessert avec gourmandise.