Kris a répondu au cahier des charges avec un épisode plus noir que d’habitude, au cours duquel Chesterfield est sensible aux honneurs d’un régiment irlandais, pendant que Blutch tente de sauver une fois de plus sa carcasse.
Pour la première fois depuis que Willy Lambil dessine Les Tuniques Bleues, il ne travaille pas sur un scénario de Raoul Cauvin, ce dernier ayant déposé les armes deux ans avant son décès en 2021. Les deux auteurs auront quand même collaboré près de 50 ans ! C’estKris qui assure ici la relève pour le texte, son projet ayant été choisi parmi d’autres par Lambil lui-même. Assurer la reprise d’une série populaire n’est jamais une mince affaire. Même si les scénarios de Cauvin avaient perdu en originalité au fil du temps, Kris était attendu au tournant...
Ce féru d’Histoire a choisi dans Irish Melody de parler des engagés d’origine irlandaise dans la guerre de Sécession. Certains rejoignaient les Nordistes tandis que d’autres choisissaient le camp des Sudistes. Et, coup de théâtre, Cornélius Chesterfield serait d’origine irlandaise ! Le sergent part donc combattre dans un régiment composé d’Irlandais, laissant Blutch broyer du noir sans son meilleur ennemi. Les deux héros étant séparés pendant près d’une vingtaine de pages, la petite musique de leur antagonisme apparait donc un peu moins. Mais ce qui frappe surtout est que le propos est plus sombre qu’avec Cauvin à la barre. Un personnage secondaire attachant y laisse sa peau. Cela dit, le récit reste dans l’esprit de la série.
Les Tuniques bleues Tome 66 : Irish Melody
© Dupuis, 2022
Si le trait de Lambil n’a plus l’habileté qu’on lui a connu, notamment sur les visages des personnages ou sur leur manque de souplesse, force est de constater que le dessinateur a du métier. Il ne ménage pas sa peine, avec un scénariste qui fait voyager les héros à travers des paysages enneigés, mais aussi sur l’eau, et qui multiplie les combats avec de nombreux soldats. Lambil rêvait de dessiner l’Irlande. Raté, ce ne sera pas encore pour cette fois, nous restons sur le sol américain.
Le dessinateur, 86 ans, est toujours vissé à sa table à dessin et c’est tant mieux. Si tout va bien, il aura fini le tome 67 fin 2022.