Cette ambitieuse saga couvre la vie de Français construite sur les ruines de l’occupation allemande, symptomatique des Trente glorieuses. Qu’ils œuvrent dans la politique, le journalisme… ou la mécanique. Presque vertigineux.
L'intégrale baptisée La France de l'ombre donne une nouvelle vie à une série en 4 tomes : Les années rouge et noir. Librement adaptée du roman éponyme de Gérard Delteil (les auteurs ajoutent ici un personnage clé qui n'apparaissait pas dans le roman), cette saga court sur 30 ans depuis l'Occupation jusqu'aux années Pompidou.
Pendant la seconde guerre mondiale, une bonne partie des personnages jouent sur plusieurs tableaux à la fois et/ou pensent déjà au monde d'après qui pourrait se retrouver dans la zone d'influence américaine ou sous le joug stalinien. L’excellente idée du romancier est d’avoir pour pivot de son récit la « trieuse » de Bull, une machine classant des fiches de renseignement perforées. Des centaines de personnes y sont répertoriées avec leur opinion politique, leur orientation sexuelle, leurs éventuels actes de collaboration… Objet de toutes les convoitises.
La France de l'ombre © Didier Convard, Pierre Boisserie, Stéphane Douay - Les Arènes
Les années d’après-guerre sont tout autant intéressantes, par l’explicitation des réseaux d’influence qui permet de mettre en évidence combien l’héroïsme et la lâcheté des uns et des autres a durablement marqué la société française, y compris (surtout ?) dans les arcanes du pouvoir.
Les scénaristes Didier Convard et Pierre Boisserie ont su trouver le bon rythme dans leur adaptation du roman. Certes, les bulles sont nourries, mais elles ne sont jamais bavardes. Et les personnages qu'ils nous proposent de suivre sont intéressants, voire attachants, avec leur part de complexité : y compris le machiavélique Bacchelli, dont on aime détester les excès.
Stéphane Douay illustre le propos avec un dessin au trait personnel, efficace quoique parfois inégal. Son travail sur les vêtements, les décors nous mettent dans l’ambiance des époques traversées.
La série Il était une fois en France, par sa prise de hauteur sur l’affaire Joanovici, a connu un franc succès. La France de l'ombre le mérite également.