Douze

Douze tueurs rassemblés dans un hôtel désert, invités par le mystérieux Hydre dont personne ne connaît l’identité. Dès les 12 coups de midi sonnés, ils doivent s’entretuer… Seul un d’entre eux survivra…

Douze petits tueurs se tenaient en ligne…

Douze convives à la dangereuse réputation, qu’ils soient agent gouvernemental, assassin professionnel, membre de la police ou mercenaire, ils connaissent tous les règles du jeu. Ils savent qu’après un bon repas et une bonne nuit de sommeil, ils devront s’affronter, sans pitié, afin qu’il n’en reste plus qu’un. Leur hôte, le chef d’une organisation de tueur craint de tous, que l’on surnomme simplement l’Hydre, les observe, peut-être même fait-il partie de la liste, qui sait !
Bien sûr, ces éléments renvoient inévitablement à des schémas déjà éprouvés, comme l’évident Les Dix petits nègres d’Agatha Christie, mais aussi la figure floue de Keyser Söze d’Usual Suspect que l’on ressent dans l’aura de ce chef assassin qui hante tout l’album, jusqu’aux dernières pages.
Mais au-delà de ces inévitables références, Douze nous propose une intrigue extrêmement bien menée qui prend, certes, son temps pour vraiment se lancer, mais qui reste une redoutable preuve de l’efficacité narrative de ses auteurs. L’écriture de Hérik Hanna est fluide et précise, tandis que graphiquement, le trait de Hervé Boivin joue sur la corde du classicisme, mais avec une pointe de modernité plutôt agréable.

Cependant, le concept annonce un peu trop la couleur, au point où l’on a le sentiment que tous, les auteurs, les lecteurs, mais surtout les personnages eux-mêmes, passent leur temps à observer les détails qui pourraient permettre de deviner qui sera l’heureux survivant. Qu’importe, finalement, qu’ils soient là à se présenter, on sait qu’excepté un d’entre eux, ils vont tous y passer. D’où le fait aussi, que proportionnellement les séquences d’affrontement sont assez courtes.

Malgré tout, Hanna installe très adroitement la tension du récit, construisant des personnages qui se connaissent globalement, qui évoluent au moins dans les mêmes cercles, mais qui ont tous une personnalité très affirmées. On n’échappe peut-être pas aux divers archétypes de tueurs, mais les dialogues et tout le décorum qui les accompagne restent de bons moments de lecture.

Douze
© Herik Hana, Hervé Bolvin - Delcourt

Deux petits tueurs s'amusent avec une arme à feu, un coup part et il n’y en plus qu’un…

Comme on peut s’en douter, toute cette tension qui nous tient aux tripes tout du long est entièrement dirigée vers la fin, dans l’attente de la pirouette qu’utilisera Hanna pour résoudre ou non le mystère du récit. Sans vouloir trop en dire, il s’avère que le scénariste amène une relecture de tout l’album assez intéressante, une variation qui ne s’enferme, justement, pas dans les références auxquelles on pouvaient penser. 

Je ne saurais donc assez vous conseiller de vous prêter au jeu, de vous laisser mener par le bout du nez dans cet album qui se savoure comme une bonne petite murder party entre gens de « bonne compagnie ».