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À qui profite l'exil ?

couverture de l'album À qui profite l'exil ?

Éditeur : Delcourt

Scénario : Taina TervonenDessin : Jeff PourquiéColoriste : Jeff Pourquié

Collection : La Revue Dessinée - Delcourt

Prix : 20.95€

  • ZOO
    note Zoo3.5

    Scénario

    4.5

    Dessin

    4.5
  • Lecteurs
    note lecteurs
    0 critique

Le synopsis de l'album À qui profite l'exil ?

Qui profite des moyens engagés en faveur de la fermeture des frontières ? Que se passe-t'il quand on retrouve des corps sur les plages ? Sait-on que les frontières de l'Europe se sont délocalisées au Sahara ? Qui sont les sans-papiers qui font fonctionner l'économie ? Trafiquants, industriels de la défense, employeurs européens profitent de ce système sans se préoccuper des 40 000 morts et disparus.


La critique ZOO sur l'album À qui profite l'exil ?

En Sicile, depuis l’été 2014, il n’est pas rare de voir dans certains cimetières des tombes sans nom. À la place d’un patronyme peut figurer un numéros comme « PM 390048 » ou « CT 33 ». Certains de ces défunts sont des anonymes retrouvés morts en ayant tenté de traverser la Méditerranée. Mais qu’en est-il des migrants que l’on ne retrouve pas ?

À l’instar de cette poussière que l’on préfère cacher sous le tapis, l’immigration est ce sujet que les États ne parviennent pas à traiter frontalement. Pourtant, entre 2014 et 2016 a eu lieu une deuxième grande crise migratoire, résultante d’une guerre civile syrienne d’une horreur devenue presque banale d’année en année. Taina Tervonen et Jeff Pourquié s’attaquent au sujet en prenant le parti de répondre à la question titre de l’ouvrage : À qui profite l’exil ?

À qui profite l'exil ?

À qui profite l'exil ? © Delcourt, 2023


Taina Tervonen n’en est pas à son coup d’essai : par le passé, la journaliste indépendante s’est penchée sur la face cachée des butins coloniaux dans Les Otages
et les métiers ingrats dans Les Fossoyeuses. Faire la lumière sur les sujets (volontairement ?) oubliés est un sacerdoce pour cette documentariste qui ne manque pas d’ajouter son regard aux faits qu’elle décrit. Car voilà : À qui profite l’exil ? parle de cette immigration qui dérange car devenue meurtrière pour ceux qui la tentent… et avec le luxe des détails chiffrés ! Ces derniers sont renseignés par l’Organisation internationale pour les migrations, l’Instituts médico-légal de LABANOF (à Milan), l’Agence européenne des frontières extérieures (FRONTEX) et d’autres organismes (que la plupart d’entre nous ne soupçonnent pas) chargés de la surveillance maritime et frontalière de l’UE.

Détails budgétaires de ces organismes, coût humain de ce système migratoire devenu incontrôlable, description des fonds fiduciaires ainsi que le rôle du Niger, son principal bénéficiaire en Afrique de l’Ouest… Vous saurez presque tout. « Presque » car il est évident qu’un tel sujet comporte des zones d'ombre. Rien n’est tout noir ou tout blanc dans ce système. Les témoignages sont fascinants et dressent l’amer constat d’un problème si complexe qu’en tirer quelques vérités ne suffit pas à en réparer les dégâts. Peut-être réside ici la limite de ce passionnant documentaire graphique : il donne une idée, un aperçu (très documenté) du problème… mais sa conclusion (que l'on ne spoilera pas ici) a quelque chose de tristement vain, car l'œuvre semble dépassée par son sujet.

Même le dessin de Pourquié se résigne à donner de l’expressivité aux visages des acteurs de cet environnement. Il se contente d’illustrer sobrement l’enquête avec, néanmoins, un sens schématique bienvenu pour synthétiser les détails. Je pense notamment à une page concernant la description des fonds fiduciaires : la bande-dessinée se révèle alors comme un formidable support pédagogique sur des sujets pourtant pointus.

Il ne faut donc en aucun cas que la lourdeur dramatique du sujet ne décourage les lecteurs : À qui profite l’exil ?
est une enquête à lire impérativement car elle met en lumière un sujet qui nous concerne bien plus qu’on ne voudrait le croire.

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