Un hymne au polar noir, un hommage avec tous les ingrédients indispensables, cet album est une synthèse sans faille. Le duo d’auteurs a rebattu les cartes pour faire de cette partie de poker menteur un modèle du genre.
Hedgeway est un petit truand vicelard à Cleveland en 1936. Il a fait un coup tordu à son patron de la mafia qui va lui présenter l’addition. Labiano est clair : « Ce scénario existait. C’est une passion et une culture commune de Philippe et moi pour le polar. On s’est rencontrés avec Pelaez à La Réunion au festival BD. Il avait envie de travailler avec moi et il m’a proposé ce scénario. Quand je l’ai lu, face à sa puissance je me suis dit qu’il fallait que je le fasse. » On va avoir des flics, un tueur qui découpe ses victimes, un torso killer. Hedgeway, la voix off, le héros empêcheur de tourner en rond a piqué dans la caisse de son patron Milano. Il l’a un brin oublié quand Hedgeway, chien fidèle, était en tôle et l’a viré à sa sortie de cabane. Une vengeance, ça se calcule et Hedgeway a de la constance dans la haine. Et deux destins meurtriers vont convoler pour le pire.
Quelque chose de froid © Glénat, 2024
Une trilogie de one shot
« Quelque chose de froid est mon premier vrai polar. Dans Dixie Road, j’avais suggéré le côté polar à Duff aux », dit Labiano qui a eu le scénario clé en main : « Attention, Quelque chose de froid est en fait le premier album d’un tryptique, d’une trilogie où chaque album est un one shot. Dans cette trilogie noire, chaque album sera indépendant, même si un ou deux personnages se retrouveront. 1936, 26 et 46. C’est une sorte de série sans l’être qui n’angoissera pas le lecteur. » À y être, Labiano a retravaillé son dessin sur un monochrome étonnant de Maffre. L’aspect est à la fois moderne et vivant, nostalgique. « J’ai toujours une recherche en mouvement sur mon dessin. C’est l’avantage d’être autodidacte : je connais les règles, mais je fais les choses comme je les ressens. J’avais envie d’évoluer. Je doute et j’avance. »
Pelaez a ajouté quelques figures atypiques, une belle brune unijambiste, un réceptionniste gueule cassée de 14, un pasteur lubrique. Il a en prime bouclé l’album par une étude exhaustive sur le film noir. Le héros a finalement une bonne tête avec des neurones avariés, style Les Anges aux figures sales. Il y aura du suspense, la surprise du chef. Pelaez maîtrise son sujet et Hugues Labianao s’est investi à 100 %. L’album sort en grand format noir et blanc chez Glénat et un tirage spécial est fait par la Bulle du Mans. Un détail authentique, en 1936, le patron de la police de Cleveland, c’est un certain Eliot Ness. Une simple référence dans cette histoire de vengeance à plusieurs vitesses dont Labiano a su faire un repère haut de gamme dans la liste du polar noir. Il est déjà sur le second volet du triptyque.
Article publié dans le Mag ZOO N°97 Mars-Avril 2024