Quand j'ai froid

Les éditions de la Gouttière, reconnues et réputées pour leur catalogue jeunesse, fêtent cette année leurs quinze ans. Et pour l’occasion, elles ouvrent la voie à la BD adulte, une BD tous publics. Sans perdre leur ADN, elles se lancent dans cette nouvelle aventure avec une BD muette, Quand j’ai froid, premier album de Valentine Choquet.

« Quand j’avais dix ans, j’ai participé au festival On a marché sur la bulle à Amiens. Ce sont mes débuts dans la BD. Alors pour Quand j’ai froid, j’ai eu envie de boucler la boucle et de travailler avec les éditions de la Gouttière. » Elles avaient un point commun : l’autrice adore la bande dessinée sans texte, ce qui est le grand point fort de l’éditeur. « C’est un mode d’expression qui mérite d’être développé. Il pose plein de questions. Comment faire passer un message sans les mots ? Avec quels codes ? Comment se faire comprendre des lecteurs ? »

Autobiographie romancée

Autant de questions qui traduisent la grande maturité artistique de cette autrice qui a moins de 25 ans. Quand j’ai froid est une histoire inspirée de la vie de l’artiste. Une rencontre avec une voisine, une vieille dame, qui dit rétrécir quand elle a froid. Ces deux femmes, jeune et vieille, vont nouer une relation, mais la froideur de l’oubli va venir jeter le trouble.

Quand j'ai froid © Les éditions de la Gouttière, 2024

Ce sens de la narration, difficulté rencontrée par chaque bédéaste, elle le possède déjà. L’interviewer en fait la démonstration. Chaque parti pris graphique de Valentine Choquet est pensé, calculé et assumé. Et même au-delà : « J’adorerais que l’album ait sa propre musique. Ma petite sœur est pianiste, ce serait génial qu’elle puisse composer quelque chose. »

Une maturité artistique certaine

Parmi les trouvailles graphiques, l’expression de l’oubli par des séquences d’effacement. Peu à peu, Andrée perd la mémoire et les photos qui accompagnent sa vie s’effacent. Une vie prend fin. Dans le même mouvement, Louise, l’alter ego de l’autrice, tapisse le mur de sa chambre de photos. Une vie s’épanouit. « Je ne voulais pas que l’effacement arrive trop vite. D’abord, il attaque les souvenirs, les photos. Puis c’est la vie d’Andrée elle-même qui est impactée, effacée, jusqu’à ce qu’elle ne reconnaisse plus Louise. Je me suis laissée guider par ce que j’avais ressenti alors. »

Sincérité, maîtrise, intelligence et émotion. Quand j’ai froid est une première œuvre, mais elle pousse à prêter une grande attention à une nouvelle autrice qui a tout pour s’installer durablement dans le monde de la BD.

Article publié dans le Mag ZOO N°97 Mars-Avril 2024