Sous forme de dialogue, le propos se centre d’abord sur les apports d’Einstein à la science avant d’imaginer ce que le savant penserait du monde actuel. Une manière pour Étienne Klein de mettre en avant ses convictions. Dense, mais heureusement abordé sur un ton souvent léger.
Étienne Klein (physicien et philosophe des sciences) et Laurent-Frédéric Bollée nous offrent un dialogue ludique avec Albert Einstein. Le savant rencontre Klein à l’occasion d’un rêve de celui-ci, jonglant avec les concepts et les mots pour évoquer les apports à la science de l’inventeur de la célèbre formule E=MC² ; et tordre le cou à certaines idées fausses, notamment sur les liens entre Einstein et la bombe atomique (à noter que Laurent-Frédéric Bollée est, entre autres, scénariste de La Bombe chez Glénat !). Même les Rolling Stones sont invoqués !
Christian Durieux propose un dessin accessible qui se met au service du discours. Tant mieux, car il faut quand même rester un minimum concentré, comme lors du passage sur la physique quantique ; même si on se laisse porter par les voyages dans l’espace et le temps sur le dos d’un insecte géant baptisé « l’espace-taon » (rires). Le discours est également ponctué de jeux de mots, apportant un peu de légèreté.
L'Éternité béante © Futuropolis
Des années Einstein aux années Internet : c’est beau le progrès ?
Que dirait Einstein des 70 ans d’Histoire écoulés depuis sa mort en 1955 ? Prétendre parler en son nom comme le font les auteurs peut sembler audacieux, mais cela passe bien, car le ton est enjoué. Et c’est un prétexte pour nous interroger sur nos pratiques actuelles : quand Étienne lui explique pourquoi les humains ont tous le nez sur cet objet rectangulaire qu’est le smartphone, Albert en conclut que ce qui se passe ailleurs semble désormais plus important que ce que nous sommes en train de vivre. Pas faux.
Internet permet de bâtir « une sorte de monde sur-mesure, de chez soi idéologique en résonance avec (soi-même) ». C’est Étienne Klein qui parle. Comme quand l’IA ou les changements climatiques sont évoqués. On quitte donc en douceur le discours sur la vie d’Einstein pour exposer la pensée de Klein sur le présent, bien amenée même si on peut préférer la première partie.
Éternité béante. Pourquoi ce titre ? La réponse, facétieuse, vous sera donnée vers la fin de l’ouvrage, juste avant un discours improvisé d’Albert, un poil long malgré les effets visuels de Durieux, il faut bien l’avouer. Le dessinateur, infatigable, réussit toutefois le tour de force de rendre vivants sur 150 pages des dialogues très nourris que l’on conseille de lire en plusieurs fois, pour avoir le temps d’assimiler les concepts et ne pas passer à côté de propos intéressants, mais denses.
Article publié dans le Mag ZOO N°100 Septembre-Octobre 2024