Le roman de Gaël Faye inspiré de sa propre histoire a connu un succès critique et commercial. Pourquoi une adaptation en BD ? Il suffit de la lire pour avoir la réponse à la question, tant le duo Sowa / Savoia fait mouche, touche au cœur.
Petit Pays est un formidable témoignage à hauteur d’enfant. Et pas seulement du conflit au Rwanda exporté au Burundi voisin. Que de thèmes brassés ! L’enfance, qui crée un petit univers à sa mesure autour de l’impasse cossue où vivent familles mixtes aisées et expatriés. La place des enfants métis, qui doivent « faire leurs preuves » de leur appartenance au pays dans lequel ils grandissent. L’éclatement de la cellule familiale avec le départ de la mère de Gaby. L’amour des Blancs installés en Afrique pour ce continent, mais un amour fantasmé, voulant ignorer une part de la réalité. C’est en partie ce malentendu qui incita le père de Gaby à épouser Yvonne, une belle Tutsi.
Petit Pays © Dupuis
Les dialogues de Marzena Sowa sont travaillés et sonnent juste. L’adaptation est intelligente, le découpage parfait. Gaël Faye a fourni à Sylvain Savoia beaucoup de photos de famille, lettres et documents pour sa documentation. Le chanteur/écrivain a été impressionné par la restitution qu’en a fait le dessinateur. Savoia use de son trait élégant pour nous faire rêver, sourire, frissonner et nous glacer le sang. C’est sa première collaboration avec Sowa depuis la fin de l’attachante série Marzi et nous espérons qu’il y en aura d’autres.
Les détestations irrationnelles entre ethnies sont évidemment au centre de Petit Pays : « Mais alors, pourquoi se font-ils la guerre ? » demande Gaby. « Parce qu’ils n’ont pas le même nez. » répond son père. Certes, la réponse est réductrice, mais elle met en relief l’absurdité de ce qui conduisit au génocide des Tutsi par les Hutu. Et la logique implacable de la vengeance : comment freiner la violence de ceux qui veulent se faire justice, surtout quand elle se trouve impulsée par des gangs ? Quel avenir est possible, dans ces conditions ?
Petit Pays © Dupuis
« On ne doit pas douter de la beauté des choses, même sous un ciel tortionnaire. » dit Faye dans son roman. Cette adaptation en est une belle illustration.
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