La guerre d’Algérie. Pas celle des affrontements entre soldats, mais celle des attentats aveugles qui tuent et mutilent des innocents de part et d’autre. Le tout traité sur le mode romanesque, sans être donneur de leçon. Et de l’humour !
Si Yann se comporte en « mercenaire » du scénario quand il fait du Thorgal ou du XIII trilogy : Jones, Tuez la grande Zohra est un projet qui lui tenait vraiment à cœur. Entre un père partisan de l’Algérie française et les graffitis « OAS » sur le chemin de son école à Marseille, il aurait pu livrer une histoire sans nuances. Mais Yann est plus complexe que cela.
Le scénariste s’est inspiré de différents faits réels qu’il a arrangés à sa sauce. Martine Goupil, victime d’un attentat de l’OAS (inspirée d’une certaine Delphine Renard) et Nina Chicheportiche, victime d’un attentat du FLN (inspirée par l’histoire de Danielle Chich), unissent leurs forces pour se venger d’actes terroristes qui ont gâché leur vie.
TUEZ LA GRANDE ZOHRA ! - T1 © Fabien ALQUIER & Jerome PHALIPPOU & YANN - PAQUET
Yann a choisi une construction en multiples flashbacks entre les années 60 et les années 80. Une construction rigoureuse et l’indication en haut de page de chaque changement d’époque permettent de ne jamais se sentir perdu, ce qui est à saluer.
Quelques éléments de la culture pop des années 60 sont mentionnés (Brigitte Bardot, Saturnin le canard, les livres pour enfants Caroline et Martine…) sans que cela parasite le récit. On a la surprise de voir Raymond Calbuth et son épouse à deux reprises dans l’histoire. Avouons qu’on aurait pu s’en passer. Même si on est habitué dans la production de Yann aux nombreux clins d’œil à son panthéon BD personnel, même si on apprécie le héros de Tronchet et qu’il s’insère finalement assez bien dans le récit.
Le dessin semi-réaliste de Jérôme Phalippou (que Yann a repéré grâce à la série Le Merlu) permet de donner une dimension un peu moins tragique à des événements qui l’étaient vraiment. Néanmoins la couverture, fort réussie, donne le ton : on n’est pas dans un épisode de Bonne nuit les petits…
Le tome 2 conclura ce diptyque dont la première partie est convaincante. Au fait, qui est la grande Zohra ? C’est le surnom que l’OAS avait donné à Charles de Gaulle…
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