Joseph Kessel écrit L’Armée des ombres en 1943 à Londres. De Gaulle le lui a suggéré pour unifier la Résistance française qui se bat contre les Allemands. En adaptant ce roman-vérité, Jean-David Morvan rend à la fois hommage au grand auteur qu’était Kessel et à tous ces anonymes qui ont eu le courage de résister. Emmanuel Moynot est au dessin, un trait profond, chargé de force et d’émotion.
Pour Jean-David Morvan, adapter L’Armée des Ombres est un concours de circonstances lié en fait à Madeleine, Résistante : « Je l’ai lu gamin et relu avant d’aller voir Madeleine Riffaud la première fois chez elle avant de me lancer dans la série avec Bertail. J’avais vu le film jeune qui m’avait amené au roman. » Car c’est vrai que pour plusieurs générations, L’Armée des Ombres est surtout un chef-d’œuvre cinématographique. Signoret, Ventura, Paul Meurisse, Cassel en ont fait un très grand moment en 1969.
Cette adaptation en BD lui a été proposée par Phileas. Morvan avait compris que le but pour Kessel était de « rassembler la Résistance, comme Moulin en avait aussi la mission en pleine guerre. Il parle de tous les réseaux de toutes origines. »
On a oublié que L’Armée des Ombres est d’après Kessel une œuvre de commande. « Personne à part les Français Libres à Londres n’avaient vraiment entendu parler de ce qui se faisait en France dans la Résistance très clandestine », rappelle Morvan. Mais écrire un livre en 1943 sur des faits que Kessel qualifie d’authentiques est une gageure, sans faire courir de risques aux gens sur le terrain : « C’est subtil, tout est plus ou moins vrai. Kessel y a ajouté de la fiction, mais le fond a existé », ajoute Jean-David Morvan.
On a oublié que L’Armée des Ombres est d’après Kessel une œuvre de commande © L'Armée des ombres - Phileas
Plus proche du roman
Morvan d’ajouter que « le livre est bien documenté, mais très intérieur comme récit, sur les motivations des gens. Il y a peu d’action, car résister, c’est surtout du renseignement en 43. On reprend bien sûr l’évasion programmée par Mathilde de Gerbier, résistant qui va être fusillé et qui tient un carnet. On se souvient de Ventura qui court dans le film ». Moynot restitue la scène avec un réalisme sans faille et talent. « Je ne dis pas qu’on a oublié le film avec Moynot. On est plus proche du roman. Et puis il y a le dossier historique en fin d’album par Thomas Fontaine avec qui on avait travaillé sur le Manouchian. Au départ chez Phileas, ils n’avaient pas prévu de dossier dans l’édition courante. Que dans l’édition spéciale. Il contient toute la genèse du roman et du Chant des Partisans écrit aussi par Kessel avec Druon, les documents originaux ». Le narrateur de la première et dernière partie dans la BD c’est Kessel et au milieu le carnet de notes de Gerbier.
Le livre ne sera édité en France qu’après la Libération. Il est une référence désormais en BD, après Madeleine de ce qu’a été la réalité de cette Résistance qui aujourd’hui encore se bat dans bien d’autres pays à travers le monde, intemporelle.
Article publié dans le Mag ZOO N°101 Novembre-Décembre 2024