Quelle belle balade nous propose Dominique Hé ! Un hommage à Jean Giraud, qui lui ouvrit les portes du métier d’auteur de BD. Mais aussi un savoureux tableau du milieu de la BD des années 70, avec les portraits de nombreux auteurs qu’il eut l’occasion de rencontrer. Une lecture à ne pas manquer.
Encore un auteur qui parle de sa vie ? Oui, mais ce n’est pas n’importe qui. Dominique Hé parle avant tout d’une époque, les années 70, et des auteurs de BD qui en furent représentatifs. C’est ce qui fait l’intérêt majeur de ce livre. Car l’homme est trop modeste pour s’étendre sur sa propre œuvre. Hé a eu la chance de fréquenter Jean Giraud. Il nous partage ici ses souvenirs, agrémentés de délires métaphoriques que n’aurait pas renié l’auteur d’Arzach.

Extrait de "La porte ouverte" le nouvel album de Dominique Hé © Glénat
Fraîchement débarqué à Paris, Hé se retrouve à l’université « expérimentale » de Vincennes dont la description est croquignolesque. La sémantique des pseudo-révolutionnaires qui y sévissaient semble à peine caricaturée. Heureusement, Hé va fréquenter un cours sur la bande dessinée professé par Jean Giraud, où il a comme condisciples, entre autres, Serge Le Tendre et Régis Loisel. Hé nous décrit la découverte d’un univers qu’il connaissait alors très mal : celui de la bande dessinée. Giraud l’oriente vers Philippe Druillet puis Jean-Claude Mézières. Hé brosse des portraits amusants voire iconoclastes de ces artistes. Giraud voit Hé régulièrement et lui donne de sacrés coups de pouce, l’introduisant au sein de Pilote. Hé côtoie ainsi tous les grands noms de la BD de l’époque. Des portes s’ouvrent ou s’entre-ouvrent, mais beaucoup se referment rapidement, notamment quand il essaie de mettre un pied dans la presse généraliste. Le culot ne paie pas toujours…
Jean-Pierre Dionnet lui ouvre à son tour les portes de Métal Hurlant. Et les anecdotes sont nombreuses, telles les rencontres de Hé avec Serge Clerc ou Yves Chaland. Sans oublier celles avec Philippe Manœuvre, Paul Gillon ou même Jacques Martin ! Des autrices également, avec Chantal Montellier et Annie Goetzinger. On n’est pas dans la congratulation ou dans la langue de bois. Toutes ces rencontres n’ont pas été agréables, et c’est vraiment une bonne chose que Dominique Hé nous partage son ressenti sans fioritures. Et quand il ne se rappelle plus, il l’avoue avec franchise plutôt que de broder.
Les dessins et les textes de cet album sont en outre truffés d’allusions qui plairont à l’amateur de BD attentif. Merci, monsieur Hé, de nous avoir ainsi partagé toute une époque. C’est un ouvrage que l’on prendra plaisir à relire.
Article publié dans le mag ZOO n°106 Septembre-Octobre 2025