Princesse saphir - T1 : Princesse Saphir T01 - Édition prestige

Princesse Saphir réapparaît enfin, vingt ans après sa première publication française. On ne peut que s’en réjouir tant la série nous a manqué.

Première incursion de Tezuka dans le monde du shojo, la courte série, dessinée alors qu’Astro Boy et Le Roi Léo battent encore leur plein, est souvent considérée comme son troisième chef-d’œuvre de l’époque. L’auteur a pourtant apporté de multiples changements à son travail au fil du temps, la remaniant presque complètement 10 ans après sa sortie. Très inspiré par les contes européens, ce manga narre l’accession ardue au trône d’une héroïne à qui l’on a confié deux cœurs : un coeur de garçon et un cœur de fille.

Prince dual core

Princesse d’un royaume en grand mal d’héritier masculin, Saphir assume son rôle factice de prince avec droiture. Mais la bascule constante et dichotomique entre ses deux identités de genre ne l’aide pas à se comprendre elle-même et l’étouffe. Son attirance contrariée pour le prince du royaume voisin ajoute à ses tourments et participe à la contraindre encore un peu plus dans ses urticantes obligations genrées. En outre, si sa féminité biologique devait être révélée, la couronne reviendrait à un vil comploteur dont les desseins semblent tout à fait malveillants. Impossible, dès lors, d’être pleinement entière en toute liberté. Pire, il lui faut activement contrecarrer les plans de ce pitoyable duc Duralmine, principale épine plantée dans de nombreux pieds durant ce récit, souvent en basculant d’un genre à l’autre.

Extrait de "Princesse Saphir - Tome 1, Édition prestige" de Osamu Tezuka
© Delcourt/Tonkam, 2025

La bascule bouscule

Toujours enveloppée de nombreuses pitreries purement comiques, la fameuse princesse Saphir n’en subit pas moins d’innombrables effrois tragiques. La série prend en effet toute son ampleur à partir d’un premier événement qu’il ne nous revient pas de révéler, mais qui fait trembler tous les fondements géopolitiques locaux. Les atermoiements initiaux sont alors propulsés aux oubliettes tandis que se met en branle une ribambelle de revers terribles, obligeant notamment la princesse à prendre les armes pour se faire justice.

Extrait de "Princesse Saphir - Tome 1, Édition prestige" de Osamu Tezuka © Delcourt/Tonkam 2025

Cœur à cœur, côté à côté

Si Tezuka ne peut s’empêcher un certain déterminisme de genre, maintenant jugé maladroit dans un panorama moderne qui a beaucoup évolué, le récit choisit finalement de ne pas renverser les codes qu’il met à mal. On ne peut non plus lui enlever l’immense qualité d’avoir mis au coeur de ses péripéties un tel sujet de réflexion. Indépendamment des sujets de stéréotype de genre qui forment pourtant l’ADN de la série, celle-ci se révèle somptueuse et bénéficie pleinement du cocktail « tezukien » d’influences de contes et de cinéma pour développer un récit très prenant.

Article publié dans ZOO Manga N°22 Novembre-Décembre 2025