Le Château des animaux - T4 : Le sang du roi

À travers une fable animalière d’une rare intensité, cette saga explore la naissance d’un espoir fragile face à la tyrannie. Dans un château perdu au milieu des campagnes, les animaux incarnent avec une justesse saisissante nos luttes, nos faiblesses et notre capacité à rêver d’un avenir plus juste.

Inspirée de La Ferme des animaux d’Orwell, cette tétralogie — dont le dernier tome vient de paraître — propose une parabole saisissante sur la dictature. Silvio, un taureau noir d’une force impressionnante, asservit grâce à une cohorte de chiens un groupe d’animaux composé de poules, lapins, oies, chèvres, et bien d’autres. Tous vivent dans un château isolé au cœur de la campagne. Un jour, un rat apparaît et éveille chez Miss Bengalore, une chatte blanche qui élève seule ses deux petits, un esprit de révolte non violente. Peu à peu, elle adhère à ces idées et entraîne son voisin le lapin, puis l’ensemble des animaux, dans une révolution inspirée de celle menée par Gandhi en Inde.

Un scénario au récit intense sublimé par le dessin de Felix Delep.
© Casterman 2025

Le dernier tome s’ouvre au moment où le président Silvio accepte d’organiser des élections. Celles-ci voient s’affronter les deux figures centrales du récit : le dirigeant sortant et Miss Bengalore. Le taureau est prêt à toutes les ruses, manipulations et compromissions pour s’assurer la victoire, tandis que la chatte demeure fidèle à elle-même. Dès les premières pages, on comprend que le scrutin est biaisé.

Ces quatre albums sont une véritable merveille. Le scénario, signé Xavier Dorison, est un bijou. Transposer une révolution non violente dans un univers animal aurait pu être imaginé par Disney, mais il ne l’a pas fait ! Les animaux sont représentés avec une grande justesse, tout en menant une vie pleinement humaine : ils parlent, s’organisent, développent des relations complexes. Ce procédé littéraire, souvent employé, prend ici une profondeur nouvelle et renforce l’immersion. Le lecteur se laisse emporter et évolue parmi ces animaux comme s’ils étaient des proches.

Le dessin de Félix Delep est tout simplement splendide. Son trait subtil et sensible confère au récit une profondeur et une sincérité exceptionnelles. Sa représentation des animaux est d’un réalisme poignant ; on croit à chaque instant à ce monde qu’il met en scène. Il faut une maîtrise remarquable pour raconter une telle histoire avec autant de justesse graphique. En quatre albums et neuf années de travail, Delep s’impose comme l’un des auteurs majeurs de sa génération : c’est plus que mérité.

Bravo, messieurs, pour ce chef-d’œuvre !