Ice Cream Man - T1

Il y a ces quatre histoires qui parlent de drames, de personnages qui ne sont pas parvenus à se réaliser. Et au centre de chacune, une camionnette, un vendeur de glace avenant et souriant qui sert de pivot décisif, énigmatique main du destin récurrente.

Pour cette nouvelle série, Huginn & Muninn opte pour la même formule que Silver Coin, un titre anthologique ou chaque récit est indépendant des autres, bien qu’il reste un fil conducteur, ce vendeur de glace et ses étranges cornets deux boules.

Désillusion

W. Maxwell Prince ne se perd pas, pour l’instant, dans les explications inutiles, il installe des ambiances et nous offre des récits de vie extrêmement bien écrits et très touchants, avec une pointe de fantastique pour la première. Qu’il s’agisse du jeune Byron et son araignée venimeuse Ruppert, de Karen et Jim, deux jeunes toxico pris dans l’engrenage des petits vols à la sauvette, de Bud, ancienne star du rock ou de ce père qui a jadis abandonné son fils, il n’y a pas de fin heureuse idéale ou tout se raccorde, par magie.

Toutefois, le rapport à l’horreur reste assez ténu, malgré une première partie plutôt riche en éléments fantastiques et relativement démonstratifs. Le scénariste axe néanmoins beaucoup son écriture sur la psychologie de ses personnages et sur l’impact de leur environnement social sur leur vie. Il dresse le portrait d’une Amérique qui doute, qui perd ses illusions, ses repères, bien loin de ce fantasme collectif à base de sourires éclatants impeccables. De ce fait, on est progressivement ému par la justesse de ces instantanés, la profondeur de ces chutes libres dramatiques. Un premier volume qui demeure une excellente surprise.

Article publié dans le Mag ZOO N°91 Mars-Avril 2023