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L'Ouest, un imaginaire italien

Dans le cadre du Festival BD Boum de Blois, une exposition sur le western italien est confiée à Michel Jans des éditions Mosquito. L’occasion de revenir sur les dernières publications s’inscrivant dans ce thème chez cet éditeur connu pour son travail patrimonial.

Lui-même amateur du genre, Michel Jans revient sur la passion que les Italiens vouent au western : « Bien avant le cinéma, la tournée transalpine du Buffalo Bill’s Wild West en 1890 fut un immense succès ». Il rappelle également que c’est à l’italien Puccini que l’on doit le premier opéra western : La Fanciulla del West (1910). Les millions d’émigrants italiens qui partirent en Amérique à la fin du XIXe et au début du XXe siècle lièrent sans doute fortement aux mythes de l’Ouest l’imaginaire de leurs familles restées en Europe. En bande dessinée, Tex Willer, dont les exploits s’enchaînent depuis 1948, est le plus frappant témoignage de l’attachement de l’Italie au genre : chaque mois s’y écoulent toujours plus de 200 000 exemplaires de ses aventures, assurant la pérennité de l’éditeur Bonelli.

Extrait de L’Indienne blanche

Extrait de L’Indienne blanche

Auteur phare du catalogue de Mosquito, Sergio Toppi (1932-2012), amateur éclairé d’ethnographie, s’intéressa à quasiment toutes les civilisations. Son dessin admirable se double d’un esprit malicieux, débusquant sagesse et folie chez les êtres humains de toutes origines. Dessinées à la fin des années 70 et au début des années 80, ses nouvelles consacrées aux Amérindiens, aux chercheurs d’or et aux trappeurs, se trouvent principalement dans les recueils Naugatuck 1757 (réimprimé cette année) et Colt Frontier (2016).

Amérindiens à l’honneur

À la même époque, le dessinateur Paolo Eleuteri Serpieri, né en 1944, produisit, avec ou sans le scénariste R. Ambrosio, un grand nombre d’aventures de l’Ouest, avec une attention particulière pour les Amérindiens, délaissés par le western spaghetti. De ses compatriotes cinéastes, Serpieri conservera en revanche une certaine propension à la violence crue que souligne son dessin réaliste. L’Indienne blanche (1983), une de ses rares histoires longues (46 planches) a été récemment rééditée en noir et blanc. Cette tragédie guerrière et familiale permet à Serpieri d’animer aussi bien un vieux fou au visage creusé par la haine qu’une jeune femme aux formes plantureuses.

Ce contraste entre monstruosité et beauté fera, dès l’année suivante, le succès international de sa série Druuna, science-fiction érotique qui l’éloignera de l’Ouest jusqu’en 2015, où l’éditeur Bonelli lui demande un épisode spécial de Tex. Serpieri imagine alors, en couleurs directes, Le héros et la légende, un épisode violent de la jeunesse du personnage. Tex y ressemble plus que jamais à un métis, voire totalement à un Amérindien, juste retour des choses pour celui qui dirigea les Navajos dans tant d’histoires !

Tactique et paysages

Au catalogue de Mosquito, un autre Italien, Sergio Tisselli, s’est aussi attaqué à Tex. L’épisode en question, Prisonnière des Apaches (scénarisé par Pasquale Ruju) s’avère peu mémorable. Nous lui préférons sa plus récente collaboration avec François Corteggiani : Le Chemin du couchant (2018) et Marqué par le Diable (2019) racontent les aventures de Kenneth Keller, sergent de la Police Montée Royale du Canada. Les physionomies restent stéréotypées mais la technique à l’aquarelle de Tisselli excelle à suggérer la beauté du Grand Nord. De plus les scénarios, convoquant les fantômes liés à la répression de la rébellion de Louis Riel, sont pertinents.

Terminons ce panorama partiel sur le Mimbrenos de Stefano Casini paru au début de l’année. Pour son premier western, l’auteur de l’excellente série Hasta la victoria ! a choisi comme cadre le Sud-Ouest des États-Unis, terre fantasmée favorite du western spaghetti et de Blueberry. Les mises en place tactiques témoignent d’une bonne connaissance du genre, mais l’ensemble manque un peu de rigueur et d’originalité pour convaincre totalement.

Article publié dans le magazine Zoo n°74 (Novembre-Décembre)

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