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Le combat pour l'écologie se joue aussi en BD

À Quai des Bulles, découvrez le rôle de la BD dans l’urgence écologique avec l’exposition « La Belle Verte ». Parmi la dizaine d’albums présentés, Algues vertes, l’histoire interdite. Ce bijou d’investigation a été créé par Inès Léraud, journaliste-documentariste installée dans les Côtes d’Armor, le fief de l’élevage porcin français.

As-tu continué à t'intéresser aux algues vertes après le succès éditorial de votre BD parue en 2019 ?

Inès Léraud : J’ai l’impression que cette BD a brisé un tabou politique et qu’elle a eu un impact positif : c’est notamment devenu un sujet de campagne aux dernières régionales. Et notre travail, avec le dessinateur Pierre Van Hove, a contribué à faire parler du sujet. Après cette bande dessinée, la veuve du joggeur mort en 2016 à Hillion a déposé plainte contre les pouvoirs publics. Par ailleurs, deux ans après la sortie de la BD, fait historique, la Cour des comptes a présenté un rapport très critique concernant la gestion des algues vertes à Saint-Michelen-Grève, une commune touchée par cette pollution, et ce en présence des différents acteurs dont la FDSEA (NDLR : le plus puissant syndicat agricole fidèle à sa vision productiviste). En juin 2021, la justice a ordonné à l’État d’agir... Je crois que cette bande dessinée a contribué à lever le tabou.

Algues vertes, l'histoire interdite

Algues vertes, l'histoire interdite
© La Revue Dessinée / Delcourt, 2022

Pour autant, le problème demeure. Comment et pourquoi t'es-tu intéressée aux algues vertes ?

I.L. : Oui, le problème s’est même amplifié à certains égards. Après mes études de cinéma documentaire à Louis-Lumière, à Paris, j’ai travaillé pour France Culture et France Inter sur des documentaires au long cours. Je me suis toujours intéressée aux questions de santé environnementale, particulièrement depuis que ma mère a été touchée par une maladie liée au mercure, un métal lourd. J’ai commencé à travailler sur les pesticides en Bretagne au sein de la coopérative agricole Triskalia, devenue Eureden en 2020. En multipliant les reportages dans la région, j’ai découvert l’ampleur des pollutions et la difficulté des gens à en parler. Je me suis donc installée en Bretagne pour nouer des rapports de confiance avec les gens. Puis j’ai vécu dans les Pyrénées pour écrire le scénario d’Algues vertes, avant de revenir vivre dans les Côtes d’Armor à l’automne 2021.

Le combat pour l'écologie se joue aussi en BD

Que penses-tu du fait d'avoir été choisie pour cette expo ?

I.L. : Rien ne me fait plus plaisir que le fait de voir cette BD mise en avant et intégrée à d’autres projets. Cela n’a pas souvent été le cas, au contraire : j’ai été déprogrammée du salon du livre de Quintin (Côtes d’Armor), le festival Lieux Mouvants de Lanrivain a perdu sa subvention de Triskalia après m’avoir invitée, des libraires et bibliothécaires ont subi des pressions... En Bretagne, c’est courageux de mettre cette BD en avant.

Sur quoi travailles-tu désormais ?

I.L. : L’histoire du remembrement, qui donnera lieu à une BD dessinée par Pierre Van Hove à paraître chez Delcourt en 2024, avec La Revue dessinée, comme pour Algues vertes. Je bosse sur l’extension des fermes-usines et l’épandage qui va avec, à l’origine des algues vertes. J’ai découvert à cette occasion que les contre-pouvoirs institutionnels sont impuissants.

Algues vertes, l'histoire interdite

Algues vertes, l'histoire interdite
© La Revue Dessinée / Delcourt, 2022

Qu'est-ce qui ferait vraiment changer les choses ?

I.L. : C’est systématiquement quand les citoyens se mobilisent que les choses changent, que les banques abandonnent leurs soutiens financiers et que les projets biocides et climaticides s’arrêtent. Les décisions judiciaires n’ont pas d’effets sans une grosse mobilisation. Pour faire changer les choses, il faut trouver le bon dosage entre luttes légales (procès, manifs, pétitions...) et illégales (désobéissance civile, occupations, voire sabotage, en restant non violent). Je comprends les actions directes de groupes comme Extinction Rebellion qui coupent les flux, car seule, la lutte légale n’a pas assez de poids.

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