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L’exode à hauteur d’enfant

En reprenant les codes du conte, Dounia et la princesse d’Alep raconte la soif de vivre d’une petite fille contrainte de fuir sa Syrie natale, détruite par les bombes. Avec beaucoup de pudeur et d’intelligence.

Dounia signifie « le monde et ses richesses » en arabe. C’est ainsi qu’un jeune couple nomme leur fille dans leur cité d’Alep. Pourtant le monde de la petite connaît de nombreux tumultes dès ses premières années d’existence, entre la maladie qui emporte sa mère et la répression autoritaire du pouvoir baasiste syrien qui enferme son opposant de père au cachot. Si elle peut compter sur l’amour de ses grands-parents, la vie de Dounia bascule irrémédiablement lorsque la guerre civile éclate. Alors qu’elle vient de souffler sa sixième bougie, Dounia voit sa maison ravagée par un bombardement. Il n’y a plus d’autre choix que de prendre la route de l’exode, en quête d’une terre plus accueillante…

Délicatesse et nigelle

Comment raconter le déchirant déracinement d’une enfant à un jeune public avec justesse et sans sombrer dans le pathos le plus plombant ? C’est indubitablement la question qui alimente le récit de Dounia et la princesse d’Alep. Marya Zarif, créatrice de l’univers original et coréalisatrice avec André Kadi, y répond avec une animation 2D à la fois naïve et étincelante. Ce formalisme naïf assure un équilibre avec le fond assurément sombre. Car Marya Zarif sait documenter avec délicatesse l’odyssée dangereuse vécue par les migrants réfugiés subissant les conséquences de la guerre.

Dounia et la princesse d'Alep

Dounia et la princesse d'Alep
© Marya Zarif et André Kadi, Haut et Court

Ainsi, les passages éprouvants comme le cache-cache avec les gardes frontaliers aux abords de la Turquie, la traversée nocturne à bord d’un radeau de fortune sur une mer démontée, ou encore l’interminable attente dans des camps aux conditions insalubres sont traités ici avec un mélange d’onirisme et de poésie propres aux contes où résilience et sens de l’entraide sont symbolisés par les graines de nigelle que Dounia transporte dans sa poche. Plante médicinale appréciée en naturopathie orientale, elle est aussi ce concentré d’identité syrienne de l’ancien monde dévasté de Dounia et des siens, promesse d’un bourgeonnement futur dans une terre suffisamment accueillante pour qu’ils y plantent leurs racines. Parce que comme le dit si bien son sage grand père : « …ta maison, c’est le monde entier. ».

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