Un adolescent perse s’accroche à son humanité et son entreprise de sauvetage pendant la guerre Iran-Irak. Par son lyrisme teinté de réalisme magique, La Sirène est une magnifique flamme d’humanisme, cherchant à survivre dans l’enfer d’une zone de guerre.
Pour son premier film d’animation, la réalisatrice Sepideh Farsi plante son décor dans la cité portuaire d’Abadan en septembre 1980, au sud-ouest de l’Iran. La vie du jeune Omid, 14 ans, change à jamais en l’espace de quelques secondes : alors qu’il s’apprête à arrêter un pénalty, il se laisse distraire par une pluie de missiles s’abattant sur l’immense raffinerie voisine. C’est le début de la guerre Iran-Irak. Sa mère fuit avec ses cadets vers Téhéran pendant que l’aîné part au front pour affronter l’ennemi. Omid décide de rester pour veiller sur son grand-père têtu. Un nouveau mode de vie s’installe : celui d’une ville assiégée, avec son lot de tragédies, de petites joies et d’espoir.
| © Ami Intéressant x Rémi Lascault |
Poésie du chaos ambiant
À la manière d’Ali Soozandeh dans Téhéran Tabou, Sepideh Farsi et son scénariste Javad Djavahery ont recours à l’animation pour raconter en toute liberté des tranches de vie de leur pays natal dans lequel ils ne sont pas les bienvenus. Elle fait aussi figure d’outil mémoriel pour ressusciter les faubourgs du Abadan avant sa destruction quasi totale. Loin de verser dans le naturalisme, la direction artistique imaginée par le français Zaven Najjar brille par son sens de l’épure dans la palette chromatique, engendrant ainsi des contrastes parfois saisissants, autant dans les passages intenses que dans des trouées oniriques irradiées de réalisme magique.
La Sirène © Les Films d'ici, 2023
L’arche d’humanité
Cette remarquable approche stylistique, qui lui vaut d’intégrer la compétition du dernier festival d’Annecy, va de pair avec une dramaturgie inspirée du conte une fois qu’Omid réalise que sa cité est sur le point de tomber. Son plan d’évasion -une fuite par le Golfe Persique via un « lenj », un bateau traditionnel perse nommé La Sirène- nécessite l’aide de tous les protagonistes qu’il aura rencontrés pendant le siège. Bien que convenus, ces ressorts fonctionnent intelligemment, car ils sont la courroie de transmission d’un plaidoyer pour la résilience de La Sirène. Avec, en prime, un sage rappel sur le fait que la décence, la fraternisation œcuménique et l’assistance à son prochain sont autrement plus judicieux que le désir primaire de mourir vainement en martyr. Et plus que jamais pour un conflit de huit années qui n’aura au final servi à rien.
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