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Quand le reflet manque d'âme

L’adaptation cinématographique du manga bestseller Le Château solitaire dans le miroir, sur le spleen adolescent, avait tout de la promenade de santé pour Keiichi Hara. Pourtant, ce dernier livre un film évoquant un digest impersonnel.

Dès l’apparition de la jeune Kokoro, on comprend que Le Château solitaire dans le miroir appartient au registre de la fiction adolescente tourmentée. Le dos voûté, la tête basse, le regard éteint face aux remarques désobligeantes d’une bande de filles croisées à la va-vitetout le lexique visuel du mal-être juvénile est là. Et celui de Kokoro est carabiné puisqu’elle ne va plus à l’école depuis des semaines. Ravagée par un tsunami d’angoisses dès qu’il s’agit de prendre le chemin des écolières, elle poursuit sa scolarité à distance, recluse dans sa chambre. Jusqu’au jour où elle passe de l’autre côté de son miroir, projetant subitement une lumière irréelle. Téléportée dans un château surnageant une mer infinie et surréaliste, elle rencontre six adolescents arrivés là dans des circonstances identiques. Une mystérieuse jeune fille, au visage dissimulé par un masque de loup, apparaît pour édicter les règles suivantes : si l’un des sept invités met la main sur une clé cachée dans l’enceinte du château, un voeu lui sera accordé. Le septuor dispose d’une année scolaire entière pour la retrouver, uniquement en journée, pendant la durée du temps pédagogique. Ceux tentés de rester dans le château après 17 heures seraient alors dévorés par un loup que l’on imagine grand et méchant.

Le château solitaire dans le miroir

Le Château solitaire dans le miroir © film d'animation Eurozoom, 2023

Le loup est dans le manque de détails

Problème de société persistant au Japon, le harcèlement scolaire est présent dans un nombre conséquent de récits shônen et shôjo. Le Château solitaire dans le miroir de l’autrice Mizuki Tsujimura a su enrober avec délicatesse ce fait social dans un cocktail habile mixant des portraits assez justes de multiples facettes de l’anxiété adolescente avec un sens du fantastique ludique empruntant à la fois à Lewis Carroll et Charles Perrault. La série n’aura pas volé son carton critique et public ainsi que sa flopée de prix lors de sa parution en 2017.

Le château solitaire dans le miroir

Le Château solitaire dans le miroir © film d'animation Eurozoom, 2023

Parce qu’il s’était brillamment illustré dans le même registre douze ans plus tôt avec Colorful, Keiichi Hara semblait être l’homme de la situation pour une adaptation cinématographique. Mais une fois les fondations narratives établies, Le Château solitaire dans le miroir peine à décoller. Formellement, l’exécution est propre, appliquée quoique impersonnelle. Cependant quelque chose coince réellement dans la fluidité et l’approfondissement des dynamiques sociales entre les sept adolescents, présentes dans le manga mais passées à la trappe ici. À l’image du surlignage musical, les solutions pour compenser l’écriture révèlent très vite leurs limites. Et lorsque la mise en scène s’emballe enfin dans le climax final, difficile d’occulter la frustration suscitée par cette version condensée et quelque peu opaque à la lueur d’un reflet terne.

Article publié dans ZOO Manga N°10 Septembre-Octobre 2023

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