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Le poulet cachant la forêt du deuil

Derrière l’épopée à taille humaine d’une veuve pour cuisiner le plat préféré de sa fille turbulente, Linda veut du poulet ! raconte avec une espièglerie rare la superbe résilience propre à l’enfance pour surmonter la mort d’un être cher.

C’est toujours agaçant d’être pris en défaut par son enfant. Paulette a accusé un peu vite sa fille de huit ans Linda d’avoir égaré ses boucles d’oreilles fétiches avant de les retrouver par hasard. Paulette a bien des circonstances atténuantes avec la charge mentale qu’elle subit en tant que veuve se tuant à la tâche dans un job ingrat pour joindre les deux bouts dans un logement décati en cité H.L.M. Elle tient malgré tout à faire amende honorable en accédant à une requête de sa fille : Linda veut du poulet ! Aux poivrons pour être précis, comme son défunt père le cuisinait divinement bien. Deux obstacles toutefois se dressent devant cette entreprise : Paulette est loin, très loin d’être une reine des fourneaux ; surtout, une grève générale amplement suivie paralyse totalement le pays… Qu’à cela ne tienne : Paulette ne reculera devant rien pour mettre un peu de bonheur dans l’assiette de sa fille !

Linda veut du poulet !

Linda veut du poulet ! © Film d'animation, 2023

Tendre poulet

Sébastien Laudenbach avait été mis sur orbite avec La Jeune Fille sans mains, un conte de fées austère et dramatique. En faisant cette fois-ci équipe avec Chiara Malta, réalisatrice italienne venue du cinéma indépendant, il remporte avec Linda veut du poulet ! le Cristal du meilleur long métrage de la dernière édition du festival d’Annecy. On retrouve ici sa signature visuelle, la finesse d’un trait minimaliste, à la frontière de l’esquisse, quoiqu’incroyablement précis pour ciseler chaque personnage qu’il habille d’un bloc de couleur franche, unie et chargée de symbolisme. Un parti pris risqué qui paye à nouveau par la vitalité constante qu’il imprime à l’image, en totale osmose avec la nature frénétique du récit co-écrit avec Chiara Malta. Porté par la folle espièglerie de sa jeune héroïne et de sa troupe d’amis, Linda veut du poulet ! convoque le meilleur du comique visuel à la Buster Keaton avec ses courses-poursuites débridées et son chahut généralisé joyeusement contestataire. Mais, à l’instar du plus délicieux des poulets, sa chair musculeuse en surface dissimule un cœur tendre et délicat à même de communiquer avec délicatesse sur les deuils à faire et les nouveaux départs à effectuer.

Article publié dans le Mag ZOO N°94 Septembre-Octobre 2023

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