Alors qu’il avait annoncé sa retraite une décennie plus tôt, Hayao Miyazaki revient avec Le Garçon et le Héron. Moins définitif que le sublime Le Vent se lève, ce nouveau film s’envisage presque comme son prolongement surréaliste, sur le travail de deuil notamment.
Que Hayao Miyazaki sorte soudainement de la retraite qu’il avait décrétée quelques années plus tôt n’est en rien inédit. Ce n’est que la troisième fois après tout. Mais l’annonce qui avait suivi la sortie du Vent se lève en 2013 avait un je-ne-sais-quoi de différent dans la mesure où cette biographie romancée de Jirô Horikoshi, le concepteur des avions de chasse Zéro, résonnait étrangement avec l’enfance et les obsessions du maître incontesté du cinéma d’animation japonais.
Beaucoup y ont vu le point culminant d’une carrière remarquable et à la fois un champ du cygne… jusqu’à l’annonce du Garçon et du Héron en début d’année. Et derrière ce titre, peut-être, le retour de Miyazaki à ses fondamentaux à la fois champêtres, fantastiques et oniriques.
« Un monde étrange, régi par la magie et gouverné par des perroquets géants »
Un parfum d’œuvre-somme
Le garçon s’appelle Mahito Maki. Il a tout juste douze ans quand sa mère périt dans un incendie, conséquence des bombardements américains sur Tokyo en 1943. Un an plus tard, son père, fabricant d’armes pour l’aviation militaire, se remarie avec Natsuko, la sœur cadette de la défunte, et décide de déménager à la campagne avec son fils. Tourmenté par ces changements si soudains et un deuil insurmontable, Mahito s’acclimate mal et se bat avec les enfants du cru, au point de s’automutiler pour ne plus aller à l’école. C’est lors de sa convalescence qu’un héron doué de parole l’informe que sa mère est toujours vivante dans les décombres d’une tour abandonnée aux abords de leur domaine. Il y découvre alors un monde étrange, régi par la magie et gouverné par des perroquets géants amateurs de chair humaine…
Rien à prouver
Deux mondes parallèles, des petites vieilles aux visages démesurés, des petites bestioles
mutiques et mignonnes… tous les marqueurs de l’imaginaire « Miyazakien » tendance surréaliste répondent présent à l’appel. Tout porte à croire que Le Garçon et le Héron est à la croisée des chemins entre l’œuvre-somme et le chant du cygne. À y regarder de plus près, il ressemble davantage à un prolongement fantasmagorique du Vent se lève, proche du freestyle : même contextualisation historique, même tonalité crépusculaire. Sauf que, cette fois-ci, à la manière d’un Fellini démiurgique, laisse ses obsessions stylistiques – sur les mutations troublantes de la chair notamment – progressivement vampiriser son récit. Ainsi, Le Garçon et le Héron avance sur un fil ténu, entre confusion sur les enjeux et émerveillement face à des séquences parmi les plus stupéfiantes que Miyazaki ait pu mettre en scène. Un élan créatif aussi désarçonnant qu’hypnotique qu’il est aisé de résumer en trois mots : rien à prouver.
ZOOManga11
cinéma
Miyazaki
Animé
novembre2023
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