Sous le code informatique l'humanité malgré tout

À la croisée entre le polar néo-noir, le thriller cyberpunk et une réflexion étonnamment mature, Mars Express s’envisage comme une mise au goût du jour intelligente des angoisses métaphysiques déjà abordées dans Blade Runner et Ghost in the Shell.

Dès les premières minutes, Mars Express affiche haut et clair ses ambitions formelles avec une mise en scène nerveuse et flamboyante et avec une grande profondeur de champ pour le moins inhabituelle dans le cinéma d’animation 2D. Et pour cause, car Jérémie Périn puise autant son inspiration chez les maîtres de l’animation comme Mamoru Oshii, Satoshi Kon ou Rintaro que dans les plans à double focale chers à Brian De Palma. Mars Express plante son décor dans un futur pas si lointain, sur la planète rouge désormais habitée, la Terre étant devenue un gigantesque bidonville peuplé de chômeurs.

Mars Express © Gébéka Films, 2023

Aline Ruby, une détective privée alcoolique et Carlos Rivera, une reconstruction robotique de son associé décédé, ont été missionnés pour neutraliser un pirate informatique accusée de débrider robots et cyborgs de leurs entraves imposées par les humains. Évidemment, polar oblige, la simple enquête se transforme peu à peu en un vaste complot dans lequel va se jouer l’avenir de l’humanité et de l’intelligence artificielle.

La belle et grande question

Jérémie Périn et son coscénariste Laurent Sarfati signent une histoire d’une densité souvent affolante pour sa courte durée. D’où peut-être la confusion ressentie lorsque Mars Express entame sa conclusion qui apparaît précipitée. Peut-être sa richesse se décantera-t-elle en le revoyant…

Mars Express © Gébéka Films, 2023

Cela étant, Mars Express émerveille souvent par son ambiance hypnotique et surtout par les questions qu’il pose sur la part de conscience de l’intelligence artificielle et de ses droits. De fait, il actualise avec brio les interrogations métaphysiques déjà présentes dans Blade Runner de Ridley
Scott et Ghost in the Shell de Mamoru Oshii. Surtout, il se démarque de bien des tentatives ratées d’égaler les monuments précités en ne perdant jamais de vue le facteur humain. L’univers sombre de Mars Express séduit parce que Aline et Carlos sont parfaitement incarnés, jusque dans leurs fragilités les plus extrêmes. Pour mieux au final actualiser cette belle et grande question : au-delà de la chair ou de la robotique, qu’est-ce qu’être humain ?

Article publié dans le Mag ZOO N°95 Novembre-Décembre 2023