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Que vaut le déshonneur face à la survie ?

En surface, il y a du Taniguchi dans cette humanité, dans cette gravité visuelle et dans ces belles illustrations claires et nettes, mais…

Kan’ichiro Yoshimura est un samouraï instructeur lettré et respecté du fief de Nanbu. Ou plutôt, il le fut. Il est aussi un guerrier exécuteur du Shinsen gumi, milice tokyoïte pro-shogunat si crainte. Ou plutôt, le fut-il aussi. Malgré une vie complexe aux étapes multiples, une chose est sûre : Kan’ichiro Yoshimura est un indéniable déserteur. On en sait cependant peu sur la vie de ce sabreur instruit et c’est en suivant les témoignages épars des survivants des dernières guerres intestines japonaises que la lumière pourra se faire sur un homme qui incarne pleinement les tourments de la fin du règne des samouraïs.

Que vaut le déshonneur face à la survie ?

© MIBU GISHIDEN © 2014 by Jiro Asada, Takumi Nagayasu/HOME-SHA Inc.

Débandade et abandon

Le premier volume de Mibu Gishi Den avait surpris par une profondeur humaine inattendue couplée à un contexte historique ciselé. Son protagoniste principal nous happait par sa franchise face à la mort et par une alternance de noblesse et d’avidité qui en faisait une étrange pièce à double face, extrêmement consciente d’elle-même. Ce premier volume aplanissait clairement ses prises de position, mais ne permettait pas encore de pénétrer dans les circonvolutions d’une vie et d’une époque qui justifieraient pleinement les actions de ce lâche autoproclamé avide avec honnêteté.

« Cette série est une immense fresque historique »

Le sabre au (pas très) clair

On croirait la série centrée sur Kan’ichiro, mais bien plus que sur un personnage, aussi profond soit-il, elle se focalise sur des thèmes glaçants : la déchirure psychologique, l’abandon, l’ensevelissement face à une époque de misère, la mort pour l’honneur, la servitude éternelle, la place de l’ego dans les conflits, celle de l’entièreté de soi même dans un système féodal intransigeant et inamovible.

La série, à travers une cupidité de façade, incite ses interve­nants à faire face à leurs erreurs, leurs errances, leurs folies passées. Elle les regarde se débattre pour parfois déchirer avec un succès trop cher payé les frasques d’un code moral dépassé, stagnant, embourbé.

Que vaut le déshonneur face à la survie ?

© MIBU GISHIDEN © 2014 by Jiro Asada, Takumi Nagayasu/HOME-SHA Inc.

L’agent du déshonneur

Mibu Gishi Den est une série sur des hommes rongés par les faux-semblants, noyés dans le prix du sang, destinés à mourir en vain, mourir pour rien de plus que de creuses paroles et de piètres idéaux dans une misère absolue et inévitable. Elle est en réalité une immense fresque historique tandis qu’années et souvenirs défilent autant que les remises en question guerrières dans une accumulation de récitatifs, Elle est un portrait douloureusement franc d’une période décharnée et moribonde, cristallisée par un homme qui n’a jamais abandonné, malgré la violence intrinsèque de son milieu.

Article publié dans ZOO Manga N°11 Janvier-Février 2023

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