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Move your (dead) body

Dans le charnier pléthorique d’interactions corporelles abruptes se dresse parfois la main zombifiée d’un récit qui décide de ne pas être une excuse.

Move your (dead) body

© SLEEPING DEAD © Nemui Asada, Éditions Hana 2022

M. Sada est mort. Dead, décédé, trépassé, indéniablement refroidi. Il a été lardé de coups de couteau, point final. Et pourtant, M. Sada continue de se mouvoir, de percevoir, d’émettre des pensées, d’ingurgiter…

Son point final s’est transformé en point virgule à cause de l’intervention pas vraiment altruiste de Mamiya, archétype dégarni du savant fou noyé dans ses propres illusions de réussites scientifiques impies. Sa toute nouvelle demi-vie n’est pas des plus simples. Mamiya expérimente notamment sur son corps défendant, principalement à vif. En outre, une toute nouvelle obligation de cannibalisme remet en question l’entièreté de son code moral. Cette existence maudite sera-t-elle soutenable ? Dévorer délicatement des criminels sélectionnés soigneusement suffira-t-il à faire pencher la balance ? Mamiya est-il un détraqué scientifique comme un autre ?

« Le récit, empli d'un stoïcisme à toute épreuve, aurait pu être un pur polar »

Poker face mortuaire

 Namui Asada, déjà habituée aux Boy’s love qui remuent, choisi de ne pas s’extraire de son domaine de prédilection, mais plutôt d’enlacer son récit en usant des éléments sentimentaux qu’elle maîtrise pour plonger au cœur de ce qui fait l’humain.

Mamiya est-il Pygmalion ou Frankenstein ? Le duo est princi­palement impavide. Leurs interrogations ne leur font pas perdre le contrôle. La froideur et la rigidité cadavériques qui habitent leurs premières interactions initient la création d’une ambiance de méfiance aussi tendue que calme. Leur lien est ténu, étrange, complexe. Que se cache-t-il derrière l’apparente aléatoirité de cette rencontre, puis de cette séquestration psychologique ?

Move your (dead) body

© SLEEPING DEAD © Nemui Asada, Éditions Hana 2022

Roméo Roméro

La série se permet, en seulement deux tomes, de poser des bases solides, de créer des corrélations qui ne s’enfoncent pas dans le pathos misérable, de toucher du doigt tout ce qui fait l’ADN d’un Boy’s love sans appuyer outre mesure, de renforcer son récit par des éléments qui ne sont pas de simples prétextes et de nous laisser dans un flou fascinant empli de la crainte constante d’une aggravation drastique (et à priori inévitable) de la situation.

Leur compréhension mutuelle mute et s’enrichit admirablement, par évolutions discrètes très naturelles, tandis que lecteurs et lectrices se rongent les sangs en attendant le dérapage avec angoisse. Ce glissement d’ambiance porte le récit jusqu’à un final en une apothéose de sentiments conflictuels qui cristallise toute la pertinence de l’autrice en un très beau moment narratif.

Article publié dans ZOO Manga N°11 Janvier-Février 2023

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