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Déferlante formelle pour chaos narratif

Diffusé dans moult festivals à travers le monde, Le Royaume des abysses impressionne par sa furie visuelle. On n’en dira pas autant de sa narration confuse, souffrant notamment de la comparaison avec le cinéma d’Hayao Miyazaki.

Des moyens humains conséquents (on parle d’un millier d’animateurs), plus de sept ans de production, Le Royaume des abysses était attendu comme la superproduction venue de Chine qui avait le potentiel de bouleverser le paysage de l’animation asiatique. Tian Xiaopeng, son réalisateur-scénariste, plante pourtant un décor étrangement familier. Shenxiu, une fillette d’une dizaine d’années, souffre en silence depuis que sa mère l’a abandonnée tandis que son père a refait sa vie et la néglige au profit de sa nouvelle épouse et de leur fils. La famille recomposée embarque alors pour une croisière en mer d’une semaine. Mais le navire essuie dès le premier soir une lourde tempête au cours de laquelle Shenxiu passe par-dessus-bord. Lorsqu’elle rouvre les yeux, la jeune fille nage au milieu d’un univers aquatique magique peuplé de créatures incroyables. Émerge alors Le Royaume des abysses, un navire sous-marin qui est dirigé par l’emblématique Capitaine Nanhe…

Le royaume des abysses

Le royaume des abysses © Tian Xiaopeng

Aquarelles impressionnistes en mouvement

D’un point de vue strictement formel, Le Royaume des abysses est la preuve par l’exemple des progrès significatifs de l’animation chinoise grand public. Si les premières minutes dénotent d’un savoir-faire technique certain dans la production d’images infographiques, le passage de Shenxiu dans l’autre dimension ne ressemble à rien de connu. L’animation des fluides comme des textures visqueuses laisse bouche bée, au même titre que celle des mouvements sidérants de Nanhe qui, à l’instar des films de Stephen Chow, déploie une élasticité proprement surhumaine et ce, sans jamais briser les règles physiques implicitement instaurées par l’univers.

« De même, certains décors subjuguent par leur manière de conjuguer les aquarelles impressionnistes avec de sidérants effets kaléidoscopiques. » 

Tian Xiaopeng a de l’ambition à revendre… trop d’ailleurs, à l’image de ses plans séquences interminables et surchargés d’informations, souvent au détriment de l’histoire.

Le Royaume des Abysses

Le Royaume des Abysses © Tian Xiaopeng

Souffle narratif un peu court dans les voiles

« Le festin chinois ambulant de Shenxiu 20000 lieues sous les mers », c’est un peu le monstre de Frankenstein narratif que le spectateur est tenté d’assembler devant Le Royaume des abysses : beaucoup de Miyazaki avec des grosses coutures signés Jules Verne. À ceci près que Tian Xiaopeng est loin, très loin, d’avoir l’évidence du premier et la limpidité du second. À trop montrer ses muscles formels, certes vigoureux, Le Royaume des abysses se perd et laisse dériver son récit, au point que le spectateur a souvent une bobine d’avance sur ce que vit son héroïne avant un final touchant quoiqu’attendu. Tian Xiaopeng n’a pas l’air de manquer de cœur. Ne reste plus désormais qu’à fixer un cap et s’y tenir.

Article publié dans ZOO Manga N°12 Janvier-Février 2024

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