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Catharsis féministe

Avec My Love Affair With Marriage, Signe Baumane creuse avec un indéniable brio le sillon d’une œuvre à la fois ludique et introspective sur le besoin d’affirmation, l’identité et le genre.

Si le nom de Signe Baumane n’évoquera rien pour le grand public, il est plus connu et respecté dans le microcosme de l’animation indépendante pour sa flopée de courts-métrages à haute teneur autobiographique et ses étroites collaborations avec le cinéaste Bill Plympton. Née lettonne avant de poursuivre sa carrière artistique aux États-Unis, la réalisatrice signe son premier long-métrage Rocks In my Pockets en 2014, inédit chez nous, dans lequel se cristallisent un goût prononcé pour les variations de registres dans les techniques d’animation et une obsession sur la place de la femme dans l’espace social.

My Love Affaire With Marriage

My Love Affaire With Marriage
© Tamasa Distribution, 2023

Poids du conformisme

My Love Affair With Marriage explore plus en profondeur encore ce terreau à travers le parcours de vie de Zelma, double immanquable de Baumane : son enfance dans la Lettonie soviétique, l’injonction à mettre en sourdine son tempérament combatif et volontaire pour se conformer à l’attitude soumise et déférente de la femme slave, les vaines promesses que le mal-être existentiel disparaîtra avec le sacro-saint mariage… avant de sévèrement déchanter. Car ce qui est clairement en jeu ici, c’est la friction entre les attentes et la réalité, la pression à entrer dans le moule et le besoin vital de conserver son estime de soi.

My Love Affaire With Marriage

My Love Affaire With Marriage
© Tamasa Distribution, 2023

Show neuroscientifique

Cette veine autobiographique se voit en revanche transcendée par le traitement formel et narratif d’une inventivité folle qu’applique Signe Baumane, bien au-delà de son esthétique mutante, avec ses décors fabriqués à la main dans lesquels les protagonistes tout en aplats se débattent. My Love Affair With Marriage n’hésite pas à convoquer des chœurs antiques issus de la mythologique grecque pour mieux les mixer avec les codes du music-hall. Il affiche même un regain d’audace quand il interrompt fréquemment le récit de Zelma par des cours accélérés de neurosciences pour justifier le cheminement de pensée de son héroïne. Signe Baumane désarçonne souvent, mais finit par nous emporter dans sa manière de transformer la surcharge émotionnelle propre au trauma en un diamant brut de créativité dans son entreprise de déconstruction.

Article publié dans le Mag ZOO N°92 Mai-Juin 2023

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