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La planche de la semaine : Le Capitaine Fantôme par Raymond Cazanave et Marijac

Chaque vendredi, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section Patrimoine , découvrez la planche #29 : Le Capitaine Fantôme par Raymond Cazanave et Marijac

La planche de la semaine : Le Capitaine Fantôme par Raymond Cazanave et Marijac

Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier

Né dans la dernière décennie du XIXe siècle, Raymond Cazanave a cessé de publier à la fin des années 1950. Journaliste, illustrateur, peintre et auteur de bande dessinée, son œuvre est abondante, variée, et d’une remarquable qualité. Soldat pendant la Grande guerre, il est sérieusement blessé et gardera toute sa vie une balle au côté, qui, à la fin de sa vie provoquera une paralysie progressive et sera la cause de son décès.

Du point de vue stylistique, il connaît deux grandes périodes: pendant l’entre-deux-guerres où il publie surtout des dessins et des strips très marqués par l’esthétique Arts déco; après la Seconde Guerre mondiale où il évolue vers un style plus expressionniste, travaillant sur un noir et blanc contrasté et des cadrages volontiers dramatiques. Il a publié dans de nombreuses revues (Pierrot, Le Dimanche illustré, Lisette, Cap’taine Sabord, Wrill, Vigor...) mais c’est dans Coq Hardi, et sur scénario du rédacteur en chef de la revue, Marijac, qu’il a publié Capitaine Fantôme, son histoire la plus remarquable. S’inspirant des qualités propres du dessin de Cazanave, Marijac imagine une histoire de flibuste mâtinée de fantastique qui voit le brave chevalier de Veyrac (ou Vyrac, l’orthographe de son patronyme varie dans le cours de l’histoire) combattre le sanguinaire capitaine d’un navire pirate pour découvrir (et le lecteur avec lui) que ce capitaine est un revenant. Il en triomphera bien sûr, non sans devenir à son tour un pirate (mais pour la bonne cause).

Comme cette planche en témoigne, Cazanave a le sens de l’atmosphère, un goût prononcé pour les trognes patibulaires et un vrai talent pour le noir et blanc expressif. On appréciera en outre sa capacité à faire efficacement contrepoint au texte omniprésent de son scénariste.

Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud

Au moment où se situe la scène présentée dans cette planche, le chevalier Jean de Veyrac, après moultes aventures, a enfin réussi à retrouver la jeune et jolie signora Cavalaros qui avait été enlevée auparavant par le mystérieux Capitaine Fantôme. Il n’a pu malgré tout empêcher la jeune femme d’être mortellement blessée. Il l’a donc lui-même mis en terre. Cependant, il vient de découvrir la tombe mystérieusement profanée, tandis que des sanglots semblent s’éloigner dans la jungle. Troublé, il tente de retrouver la signora, mais rien n’y fait. Encore sous le coup de l’émotion il revient au camp, auprès de ses compagnons pirates.


A ce moment, le récit glisse progressivement vers une ambiance quelque peu fantastique qui amène le héros à repartir en quête de celle qui l’a obsédé depuis des mois. Il ne se doute néanmoins pas que son aventure va bientôt se conclure.

On se rend alors compte de la maîtrise de Marijac, cet art de l’aventure feuilletonnesque, de ces mille et un rebondissements qui alimentaient un récit en flux tendu absolument captivant. Le chevalier étant un gentilhomme qui, en voulant absolument retrouver ses amis va être amené à devenir lui-même un corsaire, puis être condamné à mort pour finalement s’enfuir…

Mais cette planche est surtout l’occasion de redécouvrir Raymond Cazanave, un artisan extrêmement doué, qui, au moment où il entame ces aventures du Capitaine Fantôme, n’a pas forcément une grande expérience de la bande dessinée, mais en maîtrise déjà tous les codes. Son dessin est précis et détaillé, comme on peut le voir dans d’autres pages ou il exécute des scènes d’abordage absolument incroyables, ou encore les détails sur les bateaux, sur les costumes, dans les bars, un travail de reconstitution très impressionnant. On peut aussi voir cette magnifique gestion des ombres et de la lumière.

Parfait exemple de cette génération d’illustrateurs de journaux méconnus qui ont pourtant contribué à faire de la bande dessinée ce qu’elle est aujourd’hui, Raymond Cazanave mériterait d’être davantage réhabilité. Les histoires du Capitaine Fantôme ont malgré tout donné lieu à deux albums parus chez Glénat et réuni en intégrale, en 1999.

La planche de la semaine : Le Capitaine Fantôme par Raymond Cazanave et Marijac

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