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Les 10 ans de la Maison de la BD de Blois : un modèle unique en France

Les 10 ans de la Maison de la BD de Blois : un modèle unique en France Pour célébrer ses 10 ans, la structure organise une programmation spéciale autour du thème des monstres, avec expositions et colloques tout au long de l’année. « Nous voulons marquer cet anniversaire en montrant tout le chemin parcouru et en ouvrant des perspectives pour l’avenir », conclut Bruno Genini, son directeur. Dix ans après son ouverture, la Maison de la BD de Blois prouve que le neuvième art a toute sa place dans le paysage culturel et éducatif français. Un modèle inspirant qui pourrait bien faire école ailleurs.

Une volonté politique à l’origine du projet

L’histoire de la Maison de la BD de Blois commence en 2012-2013, lorsque Marc Gricourt, maire de Blois, convie Jean-Pierre Baron, président du festival bd BOUM, et Bruno Genini à une réunion. L’échange est décisif : « J’aimerais monter une Maison de la Bande Dessinée à Blois, proposez-moi un projet », leur annonce-t-il.

À cette époque, une telle structure n’existe nulle part ailleurs en France. « Nous n’avions aucun exemple sur lequel nous appuyer », se souvient Bruno Genini. Pourtant, l’idée fait sens. D’une part, le maire souhaite renforcer la visibilité de l’action du festival bd BOUM tout au long de l’année et ne plus se limiter à un événement annuel. D’autre part, il inscrit ce projet dans une stratégie de dynamisation touristique de la ville. « Blois avait déjà un patrimoine attractif avec le Château, la Maison de la Magie, la Fondation du Doute dédié à l’art contemporain… L’objectif était de multiplier les offres culturelles pour inciter les visiteurs à prolonger leur séjour et, par extension, à soutenir l’économie locale. »

Marc Gricourt confirme : « L’idée m’est venue avant même d’être élu en 2008. Nous avions déjà un festival qui avait pris une ampleur considérable, mais je voulais que la BD dépasse l’événement ponctuel et s’ancre dans la vie blésoise. La Maison de la BD devait être à la fois un lieu d’éducation, de création et de diffusion. »

Marc Gricourt, maire de la ville de Blois

Marc Gricourt (En premier plan), maire de la ville de Blois a eu l'idée de la création Maison de la Bande Dessinée avant même son élection. Bruno Génini (en second plan) est directeur de la Maison de la BD depuis sa création © Marc Gricourt

Les organisateurs du festival bd BOUM repartent avec cette proposition et doivent la soumettre au conseil d’administration de l’association. Un projet d’une telle envergure représente un tournant majeur, et les débats internes sont vifs. « Certains trouvaient ça formidable, d’autres craignaient que cela ne mette en péril l’association et le festival », raconte Bruno Genini. Finalement, la décision est prise : l’association accepte le défi, et la municipalité valide officiellement le projet.

Trois axes de développement définis

Dès le départ, trois grandes missions sont fixées pour la future Maison de la BD :

1) L’éducation et la médiation culturelle.

L’équipe de bd BOUM disposait déjà d’un savoir-faire en matière de médiation. “Notre responsable pédagogique passait l’année à parcourir les écoles du département et de la région pour mener des interventions scolaires”, précise Bruno Genini. La Maison de la BD devait donc permettre d’accueillir directement les scolaires dans un cadre structurant.

Inauguration de la Maison de la Bande dessinée à Blois en 2015. La accueille environ 2 000 scolaires par an, de l’école élémentaire à l’université.

Inauguration de la Maison de la Bande dessinée de Blois en 2015 : un lieu dédié à la médiation culturelle accueillant environ 2000 élèves (de l’école élémentaire à l’université) chaque année. © Maison de la BD

Aujourd’hui, la Maison accueille environ 2 000 scolaires par an, de l’école élémentaire à l’université. Pour Marc Gricourt, c’est une véritable mission de service public : “La BD contribue à l’éducation, à l’émancipation et à la construction des citoyens. Elle permet aussi une transmission entre générations, parents et enfants partageant un même imaginaire.”


2) L’exposition et la diffusion.

La bande dessinée est un art visuel, et le festival bd BOUM organisait déjà des expositions temporaires. L’ouverture de la Maison de la BD devait permettre de prolonger ces expositions sur l’année et d’en proposer de nouvelles, contribuant ainsi à la visibilité du neuvième art dans un cadre permanent.

Exposition Riff à la Maison de la bande dessinée

L’exposition « Rockbook » de Riff Reb’s à la Maison de la BD de Blois (2024), inscrite dans une programmation annuelle gratuite et ouverte à tous. © Maison de la BD

3) Le soutien à la création.

Enfin, l’un des objectifs était d’accompagner les auteurs à travers un dispositif de résidences artistiques. La ville de Blois met alors un appartement à disposition pour héberger les artistes en résidence. En complément, un atelier d’auteurs, baptisé Atelier Kraft, voit le jour pour offrir aux créateurs un espace de travail et d’échange. « Nous avions déjà une petite activité éditoriale avec bd BOUM, et nous avons souhaité la renforcer avec la Maison de la BD », explique Bruno Genini.

Loin d’ambitionner de devenir une maison d’édition à part entière, la structure a choisi de se focaliser sur des projets de bande dessinée engagée et documentaire, souvent en lien avec des thématiques sociétales. « Nous avons collaboré avec Delcourt, Futuropolis, Casterman, Steinkis… L’idée était de développer des projets de coédition sur des sujets comme l’immigration ou le témoignage social, Paroles de Taulards, Immigrants, La troisième population, On se reposera plus tard… ».

Brigitte Luciani, première résidente de la Maison et marraine du lieu, raconte : « C’était ma toute première résidence, et elle m’a permis de comprendre le fonctionnement de l’association, de rencontrer la ville et ses habitants. L’atelier Kraft était précieux : je pouvais y retrouver des collègues et ne pas être isolée. »

Brigitte Luciani, première résidente de la Maison et marraine du lieu

Brigitte Luciani, scénariste, première résidente de la Maison de la bande dessinée de Blois et marraine du lieu © Philippe Touchard

Réélu maire de Blois en mars 2014 (avec 57.55% au second tour), Marc Gricourt , qui avait inscrit la Maison de la BD dans son programme, peut concrétiser son engagement. Les travaux débutent rapidement dans un lieu bien connu de l’équipe de bd BOUM : la Halle Louis XII, une « nouvelle halle » datant de 1962. « C’était un bâtiment qui avait connu plusieurs affectations au fil des années, mais surtout, il avait accueilli la toute première édition du festival bd BOUM en 1984. C’était un clin d’œil amusant : trente ans après, nous revenions aux origines du festival pour lui donner une dimension permanente. » Après plusieurs mois de travaux, la Maison de la BD ouvre officiellement ses portes en février 2015. Le projet est enfin devenu réalité.

Un soutien institutionnel fort

Le projet de la Maison de la BD n’aurait pu voir le jour sans le soutien de plusieurs institutions. « La mairie de Blois est à l’initiative du projet et demeure aujourd’hui encore un partenaire clé », explique Bruno Genini et confirmé par Marc Gricourt. « La culture a toujours été une priorité à Blois. Malgré la baisse des dotations, la crise du COVID ou l’inflation, nous avons maintenu notre cap. La Maison de la BD a même bénéficié d’une légère augmentation de subvention cette année. »

La Région Centre-Val de Loire a également joué un rôle important en apportant des financements, notamment pour des investissements liés aux infrastructures. « Il y a même eu des fonds européens pour la réhabilitation du bâtiment », ajoute-t-il. Un autre acteur majeur est la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), qui représente le ministère de la Culture au niveau régional. « C’est un soutien essentiel pour nous, qui permet d’assurer une programmation ambitieuse et de développer des actions éducatives. »

Par ailleurs, d’autres partenaires accompagnent la Maison de la BD, souvent en lien avec le festival bd BOUM : la SOFIA, le Centre National du Livre (CNL) et l’ADAGP participent au financement et au soutien des événements et des expositions.

Un modèle unique en France et une programmation riche

Dix ans après son inauguration, la Maison de la BD de Blois s’est imposée comme un acteur essentiel du neuvième art. En une décennie, elle a su se faire une place parmi les institutions culturelles majeures de la ville, accueillant près de 136 000 visiteurs, ce qui en fait le troisième site culturel le plus fréquenté de Blois, après le Château et la Maison de la Magie. La Maison de la BD, c’est aussi 18 000 scolaires accueillis depuis dix ans, 75 stages ayant réuni plus de 800 participants. C’est également aussi dix expositions et quatre résidences d’auteurs chaque année. Une activité dense qui repose sur une équipe de huit permanents, engagés dans la programmation et l’animation du lieu.

Atelier

Atelier « Partir en livre » à la Maison de la BD de Blois, démonstration de l’impact éducatif : 18 000 scolaires accueillis en 10 ans et 75 ateliers ayant mobilisé plus de 800 participants.© Maison de la BD

La singularité de la Maison de la BD réside dans son modèle hybride, mêlant éducation, diffusion et soutien à la création. Elle ne se contente pas d’exposer des œuvres ; elle accompagne aussi les artistes, sensibilise le jeune public et crée des passerelles entre la bande dessinée et d’autres disciplines culturelles. Les expositions constituent l’un des piliers de cette dynamique. Chaque année, plusieurs projets sont développés en collaboration avec des partenaires prestigieux. Le festival bd BOUM et les Rendez-vous de l’Histoire enrichissent régulièrement la programmation, notamment à travers des expositions en lien avec la bande dessinée historique.

« Chaque année, les Rendez-vous de l’Histoire nous soumettent des propositions d’expositions sur des thématiques fortes », explique Bruno Genini, directeur du lieu. « Récemment, nous avons collaboré avec Les Arènes autour d’une exposition sur L’histoire de la mer ».

Loin d’être un simple espace d’exposition, la Maison de la BD a développé un véritable pôle éducatif, qui attire enseignants et professionnels du livre. Chaque année, un colloque sur la bande dessinée et l’éducation permet de réfléchir à la place du neuvième art dans la pédagogie. L’édition actuelle, consacrée au thème des monstres, fait écho aux expositions en cours.

La Maison est une véritable maison, dans tous les sens du terme. (Brigitte Luciani)

Le volet éducatif ne cesse de s’étoffer, avec des modules pédagogiques à destination des écoles, mais aussi des projets sur le long terme. Certains sont pensés pour des publics spécifiques, notamment les élèves en difficulté d’apprentissage, les jeunes migrants et les classes de Français Langue Étrangère (LFE). À ces initiatives s’ajoute une offre de cours hebdomadaires, qui s’est progressivement développée au fil des ans. Désormais, une dizaine d’ateliers réguliers sont proposés, destinés aux enfants, aux adolescents et aux adultes. « Il s’est instauré une vraie dynamique de transmission », souligne Bruno Genini.

Atelier

Atelier "BD numérique" à la Maison de la Bande Dessinée. La Maison de la BD, c’est aussi 18 000 scolaires accueillis depuis dix ans, 75 stages ayant réuni plus de 800 participants. © Maison de la BD

Pour Brigitte Luciani, cette richesse se double d’une dimension humaine unique : « La Maison de la BD est une véritable maison, dans tous les sens du terme. On peut y venir chercher un conseil, se former ou simplement se réfugier dans un univers bienveillant. Elle est ouverte à toutes et tous, du professionnel au simple curieux. »


La richesse de la programmation se retrouve dans le rythme des saisons. La Maison de la BD suit un cycle qui varie en fonction du public et des événements culturels majeurs. En été, elle se tourne vers un public familial et touristique, en participant notamment à Partir en Livre, un événement organisé par le Centre National du Livre, à travers des expositions et animations dédiées aux plus jeunes. Ces dernières années, des expositions autour de Pico Bogue, Paciflores ou encore La Belle et la Bête de Benjamin Lacombe ont marqué cette période estivale.

À la rentrée, en septembre et octobre, les thématiques historiques prennent le relais, en lien avec les Rendez-vous de l’Histoire de Blois. De récentes expositions, comme celles consacrées à Missak Manouchian, une vie héroïque ou Petit Pays, ont permis d’établir un dialogue entre l’histoire et la bande dessinée. Puis vient le temps fort de l’année : le grand BOUM en octobre, suivi du Festival BD BOUM, qui transforme la Maison de la BD en épicentre du festival. Enfin, au printemps, la programmation s’élargit aux arts graphiques sous toutes leurs formes, avec des expositions consacrées à l’illustration et au dessin de presse.

Exposition Chabouté à la Maison de la Bande Dessinée

Exposition "Chabouté" à la Maison de la Bande Dessinée en 2024. Tout au long de l'année la Maison de la Bande Dessinée propose des expositions gratuites et ouvertes à tous. © Maison de la BD

La Maison de la BD est aussi devenue un repère pour les habitants de Blois et un facteur d’attractivité pour les nouveaux arrivants. « Beaucoup de familles venues de Paris nous disent avoir choisi Blois aussi pour sa qualité de vie et son offre culturelle », explique Marc Gricourt.

Si la Maison de la BD reste fidèle à ses ambitions initiales, elle a su évoluer au fil des ans et enrichir son offre. C’est particulièrement vrai dans le domaine des résidences d’auteurs, qui ont pris une place centrale dans son fonctionnement. Chaque année, quatre résidences sont organisées, en partenariat avec divers organismes, tels que Taïwan, la région Centre et l’Institut français de Meknès. Une dynamique d’échanges a été initiée avec la mise en place de résidences croisées, qui permettent à des autrices françaises de partir au Maroc, tandis que Blois accueille en retour des auteurs marocains.

« Nous sommes restés dans la ligne fixée au départ, mais nous avons considérablement développé certains axes, notamment les résidences », souligne Bruno Genini. Une preuve que la Maison de la BD ne cesse de se réinventer, consolidant son rôle d’acteur incontournable du neuvième art en France. « C’est un lieu d’accueil, d’écoute, de facilitation », résume Brigitte Luciani. « Si vous avez une idée, un projet, ils vous orientent et vous accompagnent. Pour nous, auteurs, c’est précieux. »

Vers l’avenir : de nouveaux défis à relever

Avec dix ans d’existence, la Maison de la BD réfléchit à son avenir et aux évolutions nécessaires pour continuer à se développer. « Nous avons déjà connu plusieurs étapes, entre la création en 2015 et une extension en 2020 », explique Bruno Genini. Mais aujourd’hui, la structure atteint ses limites. « Nous partageons les locaux avec d’autres institutions, notamment le CROUS, et une partie du bâtiment initialement prévue pour un autre projet n’a finalement jamais été investie. Nous sommes clairement à l’étroit et avons officiellement formulé une demande d’agrandissement. » Cette volonté d’expansion répond aussi à des besoins concrets nouveaux, comme la création d’un auditorium de 60 à 70 places.

La Maison de la Bande Dessinée dessiné par l'artiste Hsueh-Yi

Maison de la Bande Dessinée dessiné par l'artiste Hsueh-Yi © Hsueh-Yi

Au-delà de la question des infrastructures, l’équipe souhaite continuer à renforcer ses actions en faveur de la création. « Nous aimerions pouvoir accueillir encore plus de résidences d’auteurs et multiplier les projets de co-édition en lien avec les thématiques sociétales qui nous tiennent à cœur. » « Il y a des projets d’agrandissement, mais l’essentiel est d’assurer la pérennité de ce qui existe déjà », insiste Marc Gricourt.

Maison de la Bande Dessinée, dessiné par l'artiste Moon Li

Maison de la Bande Dessinée, dessiné par l'artiste Moon Li © Moon Li

En somme, la Maison de la BD entame sa deuxième décennie avec une ambition intacte : poursuivre son rôle de carrefour de la bande dessinée, tout en s’adaptant aux défis contemporains. « L’objectif reste le même : faire vivre la bande dessinée sous toutes ses formes et pour tous les publics », conclut Bruno Genini.

La Maison de la BD est un identifiant fort de notre ville. Tant que je serai maire, je m’engage à ce qu’elle ne soit jamais remise en cause.(Marc Gricourt)

Du côté des auteurs, les attentes sont claires. « Mon rêve, confie Brigitte Luciani, serait qu’il y ait plus de Maisons de la BD en France. Une par région au moins. Celle de Blois est un exemple magnifique, mais il faudrait multiplier ce modèle pour toucher encore plus de publics. »

Comme le résume Marc Gricourt : « La Maison de la BD est un identifiant fort de notre ville. Tant que je serai maire, je m’engage à ce qu’elle ne soit jamais remise en cause. »


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