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Le dessinateur de Julius se livre...

Détendu autour d’un demi, Thimothée Montaigne revient sur son parcours. Pour nous faire patienter d’ici sa sortie, il nous dévoile même une planche inédite du troisième tome de Julius. Rencontre avec un mec cool…

Julius, fruit de sacrées rencontres…

Comment es-tu arrivé dans le monde de la bande dessinée ?

La bande dessinée m’a toujours plu. Mon frère, qui a dix ans de plus, en lisait beaucoup donc j’ai commencé en lisant des albums de Coyote comme Mammouth & Piston et des œuvres réalistes comme Durango, qui se rapprochent le plus de mon univers. J’ai découvert tout cela bien avant Tintin et Astérix.

Adolescent, je n’étais pas plus à fond dans la BD que ça. Après quelques années d’errance, j’ai finalement intégré l’école Pivaut à Nantes. J’y ai fait de très belles rencontres, notamment mon professeur Erik Juszezak. C’est lui qui m’a mis en contact avec Mathieu Lauffray pour un stage d’été. Je me suis retrouvé assistant chez lui, travaillant sur la couleur de Long John Silver. Je récupérais les bleus et y mettais du latex pour que Mathieu puisse les peindre. J’ai rencontré également Alex Alice et Robin Recht. Travailler à leur contact pendant un mois a été une révélation, mon point de départ pour la BD.

Ensuite, un jury de professionnels m’a fait repérer à la fin de mes études par les éditions Soleil, qui m’ont proposé de faire Le Cinquième Evangile. Mon dessin y était inégal et se cherchait encore mais j’y ai fait un travail honnête, avec une bonne volonté de mise en scène et de cadrage. Ce succès m’a ouvert beaucoup de portes dans le milieu.

                                                                 

Comment t’es-tu retrouvé dessinateur sur la série Julius ?

Après Le Cinquième Evangile, j’ai travaillé avec Jérôme Le Gris sur Malicorne. C’était une aventure racontée entre potes chez 12bis. Cette maison d’édition était attentive à notre travail tout en nous laissant beaucoup de liberté. Bref, c’était le pied.

Mais avant de me lancer sur le troisième tome du Cinquième Evangile, j’étais sur le point de laisser tomber parce que la bande dessinée est un métier de dingue et je galérais grave. Alex Alice a alors débarqué de New-York après deux ans sans nouvelles. Au départ, il ne cherchait pas un dessinateur pour Julius mais voulait simplement un assistant pour alléger le travail de Robin Recht. Voilà comment je me suis retrouvé sur le projet, avant d’être seul au dessin pour le second tome.

Comment s’organise ton travail avec Alex Alice et Xavier Dorison ?

Alex est un véritable directeur artistique. Il valide tout ! L’écriture globale, du synopsis à l’histoire du tome, est faite entre Alex et Xavier. Ensuite, Alex écrit tous les dialogues, le séquençage et fait la mise en scène comme dans le premier cycle : Le Troisième Testament. Si c’était moi, je ne le ferais vraiment pas de la même façon : il n’y a qu’Alex pour rendre des planches avec 16 cases lisibles et vivables. Il prévoit tout, de la mise en scène aux intentions des personnages, en deux coups de crayon, ce qui m’impressionne toujours beaucoup.

Mon travail est de régler les masses et le dessin, sans perdre les intentions toujours justes et la mise en page d’Alex. Par exemple, la vue plongeante de Babylone d’Alex n’était qu’une ligne d’horizon et un point de fuite avec quelques murailles. J’ai compris que c’était un plan pensé pour être grandiose.

Les codes de Julius

Parlons de la représentation de Babylone : comment as-tu travaillé sur la représentation de cette ville ?

Alex est un vrai pro et quand tu travailles avec lui, il te fournit une documentation énorme. Quand tu dois faire Babylone, c’est finalement assez bidon. Tous les dessinateurs sont confrontés à la même chose : se documenter pour te faire une idée de Babylone, de la porte d’Ishtar, des murailles. En fait, Babylone n’est pas historiquement très bandante. C’est carré, avec des murailles, pas top. Un dessinateur doit rendre cela grandiose et chaotique, casser la géométrie de la ville, en démesurant certains bâtiments tout en restant crédible.

On ne fait pas de l’historique pur mais plutôt de l’aventure épique. Je ne veux pas faire d’erreurs visuelles mais je me dois d’alimenter aussi l’extraordinaire des gens. Par exemple, il n’y a rien de concret historiquement sur les jardins suspendus de Babylone. Du coup, j’ai pu me lâcher. Nous voulions insister sur le coté déclin de civilisation, d’où de vieilles statues de divinité insérées dans le décor, en décalage avec le reste. Le tout donne un puzzle graphique assez intéressant.

Comment se sont décidés les traits des personnages ?

Je m’attendais à un Alex Alice plus directif mais finalement il me laisse une grande ouverture, c’est très confortable. J’ai amené ma vision des personnages et ça lui a plu. Il a même réécrit des séquences en fonction de mon dessin, sur Tadéus notamment.

Contrairement à certains dessinateurs, je ne me base pas sur des acteurs. Je fais un gros travail sur l’humanité des personnages, je vis l’histoire, je me fais mon jeu d’acteur dans ma tête et je crée le personnage en fonction de mon idée de son caractère, de sa morphologie. J’insiste beaucoup sur les attitudes, les échanges, les regards, c’est mon truc à moi.

Les codes du Troisième Testament reviennent dans ce second tome de Julius : est-ce une contrainte pour toi ?

Le graphisme du Troisième Testament est effectivement fort et cela met une pression de dingue. Le plus gros défi pour moi a été de reprendre le design d’Alex sur la Horde. J’ai vraiment eu le sentiment de participer à quelque chose de lourd en bande dessinée : j’ai pas le droit de me tromper.

J'ai fait beaucoup de visuels sur la Horde. Les personnages restent les mêmes mais il faut les resituer dans une autre époque. Je dois reprendre certains codes, pour donner la même impression que dans le premier cycle : les corbeaux avec des masques délirants et le chef avec le même masque par exemple.

Combien de temps t’a été nécessaire pour faire le deuxième tome de Julius ?

Cela va assez vite. Pour ce tome, j’ai travaillé de septembre jusqu’à juillet, donc dix mois de travail. L’idée est de réussir à redonner un bon rythme aux sorties.

Le troisième tome a trainé car j’en ai bavé sur le début. Les personnages sont arrivés en Inde en pleine jungle ! Ils se retrouveront ensuite au même endroit que dans le dernier tome du premier cycle, dans la neige. La boucle sera ainsi bouclée.

                                                     

Combien de tomes de Julius y aura-t-il en tout ?

A la base, il était prévu quatre albums de 80 pages. Le changement de dessinateur au second tome nous a fait prendre des mois de retard. Glénat a donc demandé à Alex s’il n’y avait pas moyen de trouver un endroit où scinder le second tome, ce qui a arrangé Alex ! Il est passé d’un album de 80 pages à deux albums de 50 pages, c'est-à-dire 100 pages, pour ce tome.

Pour la suite, si Alex estime qu’il n’y a pas moyen de couper intelligemment, nous repartirons sur 80 pages. Sinon, on reste sur 100 pages réparties en deux albums. En tout cas, nous sortirons un tome tous les mois à partir de novembre. Il reste donc trois ou cinq tomes à venir.

As-tu d’autres projets en parallèle ?

Je travaille sur le second et dernier tome de Malicorne, qui devrait arriver début 2014. Sinon, je me consacre à Julius et rien d’autre avant la fin. Je verrai six mois avant la fin de cette série, parce que je ne suis pas capable de faire plusieurs projets en même temps.

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