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Les aventures de Miguel, du stream au strip

Le ZEvent est un célèbre événement Twitch qui rassemble des streamers afin de lever des fonds pour des association. Lors de celui de 2020, les streameurs ont proposé d’animer un serveur GTA 5 pendant 15 jours en jouant toutes sortes de rôles : celui d’un viticulteur arnaqueur, de cousins gaffeurs ou même d’un truand mexicain au grand cœur… En attendant le tome 2 des aventures de Miguel, rencontre avec ses créateurs, ayayaya !

C’est une première dans la BD francophone, d’adapter l’histoire d’un personnage créé en stream sur GTA ! Comment vous est venue l’idée de passer à la BD ?

Alexclick : Le pont s’est fait il y a quatre ans : Maxe est venu me voir et m’a dit qu’il suivait ce que je faisais, qu’il était auteur de BD et qu’il aimerait travailler avec moi. On avait pas le temps, la possibilité, l’éditeur à l’époque. Mais on a continué à se donner des nouvelles. Le RPZ a eu lieu et il m’a dit qu’il aimait bien l’histoire de Miguel et qu’il l’avait montrée à un éditeur. La première chose que j’ai dit c’est « d’accord, mais je ne veux pas faire de fan service. Je veux pas qu’on reprenne RPZ parce que c’est la facilité.

Moi, à la base, je suis scénariste et comédien avant d’être sur Twitch. En fait je suis nul aux jeux vidéo, ce que j’apporte c’est de l’entertainement, de la création scénaristique. Plutôt que de payer ma maison en faisant des pubs Yoplait en tant que comédien, je l’ai fait en faisant le con sur Twitch, ce qui me plait bien, et ça m’évite d’apparaitre avec du yaourt.

Maxe L'Hermenier, Alexclick et Losty à Angoulême

Maxe L'Hermenier, Alexclick et Losty à Angoulême © Marine Lannot, 2022

Comment vous êtes-vous réparti le travail ? Alexclick a scénarisé, Maxe a fait le découpage et Losty a dessiné ?

Alexclick : Je voulais qu’on travaille comme sur une série télé. Il y a un scénariste principal, c’est moi, il y a ensuite un scénariste dialoguiste, ça c’est Maxe. On a la chance d’avoir un éditeur qui nous donne carte blanche sur trois tomes, donc j’ai dit à Maxe qu'il fallait qu’on écrive l’histoire sur trois tomes et pas qu’on en fasse qu’un et qu’on voie si ça marche.

J’ai écrit l’histoire et à partir de là il fallait trouver un dessinateur. Alors on a fait un choix qui n’est pas courant dans la BD francobelge, mais plutôt dans les séries télé ou dans les comics : on a demandé à Antoine (Losty), dont j’adore les dessins, de travailler sur le principe d’un studio.

Losty : Avec l’idée d’une direction artistique.

Alexclick : Antoine a créé toute la charte graphique, les fiches personnages, les visuels. Après, il a fait le lien avec le studio, qui avance beaucoup plus vite qu’un dessinateur tout seul. Antoine était seul pour Splash et nous a dit : « les gars, je veux pas repartir dans deux ans comme ça. » Donc c’est comme ça qu’on a décidé de travailler différemment.

Une fois que les planches sont prêtes, j’apporte le côté scénaristique, Maxe remet un cadre, moi je pète le cadre. Puis, on retravaille tous les deux avant d’envoyer au studio qui dessine selon les recommandations d’Antoine. Puis Antoine leur renvoie avec corrections, on revérifie tous les trois et on renvoie pour la couleur. C’est hyper dynamique : des fois on voit 10 pages évoluer en 10 jours et des fois il n’y a plus rien pendant 15 jours. On a ce côté très américain, même très japonais, moins francobelge.

Losty : Type cinéma d’animations !

Quel a été ton rôle Losty au sein de ce studio ?

Losty : Mon rôle est de poser les bases d’un graphisme, d’une direction artistique, de bien travailler la personnalité des personnages et leur chara design. Pour les couvertures, mon rôle est de faire une image forte qui attire et donne envie d’ouvrir la BD. C’est mon plaisir de faire de belles images. Tout le travail du studio est de suivre ma direction artistique, et ils travaillent vite et bien avec une équipe très forte. Je suis sur la préproduction mais aussi sur la vérification du storyboard, des étapes couleurs, du clean qui sont eux réalisés par le studio. Pour donner la meilleure BD possible en un temps le plus réduit possible, et c’est ce que l’on a fait parce qu’on est une équipe.

Les incroyables histoires de Miguel T.1 - Braquage à la mexicaine

Les incroyables histoires de Miguel T.1 - Braquage à la mexicaine © Steinkis, 2022

Comment proposer une identité graphique qui s’éloigne de GTA tout en rappelant l’univers du stream ?

Losty : Je voulais proposer une direction artistique dans un mélange cartoon-comics qui tire même sur du manga des fois. Mon style est issu de tous ces univers-là, j’ai grandi avec Pixar, Disney, avec Spiderman. Cette BD est un mélange de toutes ces influences. C’est pour ça que l’on va chercher un grand public, pour les gens qui aiment les braquages mais aussi le côté chaleureux et saturé en couleurs, plutôt BD jeunesse. J’ai surtout bossé sur l’aspect « coloré » et fun de la BD.

Le public de twitch est un public très varié (entre 10 et 30 ans). On retrouve cette drôle de diversité dans Les incroyables histoires de Miguel : des références aux Inconnus, à Balavoine que le public des plus jeunes n’aura pas forcément.

Alexclick : C’est une BD qui est catégorisée jeunesse mais que je préfère qualifier de grand public. Avec Maxe, on voulait que nos filles respectives, qui ont dans les 10 ans, puissent la lire mais aussi que mon papa, qui est un grand fan de BD, le puisse. Je voulais impressionner mon père mais aussi ma fille. Je ne voulais pas faire un produit dérivé. Je suis à un tournant de ma vie de scénariste où je veux continuer dans la BD, avec Miguel ou autre chose.

Les incroyables histoires de Miguel T.1 - Braquage à la mexicaine

Les incroyables histoires de Miguel T.1 - Braquage à la mexicaine © Steinkis, 2022

On a aussi mis plein de niveaux de lecture. A un moment, sur une des planches où l’on voit la ville, sur un panneau publicitaire, on me voit. On trouvait ça très rigolo, c’est pour ceux qui me connaissent en stream. Et puis y a des blagues de trentenaire, de quarantenaire. On voulait laisser plein de clins d’œil différents.

Maxe, comment récrit-on l’histoire d’un personnage de stream ? Tu es un spécialiste des adaptations de romans, mais là le médium est complètement différent.

Maxe L’Hermenier : Surtout que Miguel je l’ai écrit en même temps que Les Misérables ! C’est un grand grand écart. On a eu un ping-pong avec Alex : il a ses idées, il va à droite, à gauche. Moi j’ai plutôt un cadre BD, parce que c’est mon expérience. J’ai essayé de canaliser ses idées : « ça c’est pas possible, on a 54 pages ! ». On réussit à se mettre d’accord avec un compromis. Et, étrangement, je vais plus vite avec Alex que sur des projets solos. Parce qu’il y a cet effet ping-pong et il n’y a pas l’un qui a le lead par rapport à l’autre.

Par rapport à mes albums dans la collection Pépites, c’est un grand écart mais c’est aussi un gros plaisir. La force de Miguel, c’est que ça nous fait toujours marrer. On a voulu faire du grand public. Et c’est dynamique parce qu’on a tous les trois une veine anim’. Je retrouve ce que j’ai fait sur Wakfu à l’époque où je bossais pour Ankama. Il y avait aussi ce côté ping-pong.

Et puis, le studio Yellowhale est vraiment génial. C’est un studio qui vient aussi de l’anim’ et on le sent !

Beaucoup du comique résidait dans l’accent de Miguel et dans l’improvisation, comment recréer cette dynamique ?

Maxe L’Hermenier : Il le récupère par endroit ! On en a parlé : au départ, on a essayé une version avec l’accent partout, mais c’était dur à lire. Comme on vise le grand public, il y en a qui connaisse déjà Miguel mais il y aussi les autres et l’accent pouvait les perdre. Alex reçoit des messages de gens qui on d’abord découvert la BD puis qui vont le voir en stream.

Les incroyables histoires de Miguel T.1 - Braquage à la mexicaine

Les incroyables histoires de Miguel T.1 - Braquage à la mexicaine  © Steinkis, 2022

Alexclick : Moi j’appelle ça le Miguel-multiverse. Le Miguel de Twitch c’est un Miguel de l’improvisation, en live. On compare souvent le Miguel de Twitch à celui de la BD mais ça m’énerve. Ce sont deux projets différents. J’essaye de gommer le côté « adaptation », c’est un tout autre travail.

Losty : Le pont dont tu parlais au début, entre édition et stream, eh bien notre volonté à nous trois ç’a été de se détacher de cet univers-là, d’en créer un nouveau. C’est une toute nouvelle histoire, une toute nouvelle vibe visuelle. C’était aussi notre défi : un nouveau Miguel !

Ce nouvel univers, comment l’avez-vous imaginé, designé ?

Alexclick : On envoie beaucoup de photos au studio. On leur envoie un fichier total avec trois colonnes : ce qu’on dit, ce qu’on voit et ce qu’on aimerait. On a la description de la scène, le nombre de bulles, le texte et les annotations ; mais aussi des photos. Par exemple, on envoie 6 photos de banque. Des fois, je prends des photos dans la rue : « j’envisageais des boiseries de ce genre ». Des fois on peut passer une heure sur google image à trouver les bonnes références.

Quels sont les projets pour la suite avec ce multiverse Miguelesque ?

Alexclick : Miguel a été écrit en trois tomes d’un coup. On connait même déjà les titres, après Braquage à la mexicaine, il y aura Miguel contre-attaque ! et Y a-t-il un Miguel pour sauver l’humanité. On sait où il va. Il y a une suite potentielle mais je ne peux pas en parler. Et puis, je joue d’autres personnages en RP, notamment un que j’aimerais développer après Miguel. Avec Maxe on a des projets tous les deux chez Jungle. J’ai beaucoup de scénarios de côté depuis quelques années.

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