Cette magnifique réédition de La Nuit nous entraine aux côtés d’une bande de motards cherchant le shoot ultime. Cette BD, noire à souhait, est une prouesse graphique unique en son genre.
Dans La Nuit, Philippe Druillet traduit la douleur dûe à la mort violente de sa femme par un univers en proie à la désolation et à la violence. Nul espoir n’est présent dans cette BD où le seul but poursuivi est vivre quelques instant de bonheur artificiel. La préface de la plume de l’auteur l’annonce : « j’apprends à aimer la mort... j’ai du goût. »
Si le scénario semble simple, l’auteur le développe d’une manière extraordinaire. Différentes tribus vont s’assembler pour atteindre des dépots de drogues qu’ils cherchent… et mourir. Les dialogues reflètent cette violence : des phrases courtes, quelques idées énoncées. Il faut parler vite et simplement puisqu’il faut se dépêcher de vivre.
La Nuit est une démonstration de l’art de Druillet. Chaque planche fait partie de l’histoire mais est un bijou en elle-même. Le trait méticuleux et la composition des pages font de chaque nouvelle lecture une redécouverte. La peinture à l’eau utilisée décompose les textures : toutes sont tachetées de points plus foncés ou plus clairs. Les couleurs semblent alors déborder des fonds pour se coller aux personnages.
Cinq ans avant Salammbô Druillet expérimente déjà le mélange de photos et de bande dessinée. L’image de sa femme qui vient de mourir apparaît comme l’incarnation du shoot ultime qui précède la mort. Si certains dénoncent un procédé qui semblera parfois balbutiant dans Salammbô, personne ne peut critiquer la puissance de ces apparitions dans La Nuit.
On est happé par La Nuit comme on l’est rarement par une BD. Sans précédent et sans pareil, cette œuvre est un jalon dans l’histoire du neuvième art à avoir absolument.
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