Après La Coiffe de naissance, Serpents et échelles est la deuxième bande dessinée tirée d'une performance artistique d'Alan Moore, donnée lors d'un colloque sur « la magie réelle ». Malgré un concept intéressant, cette adaptation reste difficile à appréhender pour le commun des mortels.
Membre d'un groupe d'art performance, Moore monta des spectacles imaginés en fonction du lieu de leur représentation. Il s'approprie tous les aspects du territoire en question (historique, géographique, psychologique...), afin de remodeler celui-ci. Il entreprend ici une présentation de personnages de la vie politique, culturelle, religieuse et scientifique, ayant à diverses époques habité ou transité par Red Lion Square à Londres.
Armé d'un sens de l'humour certain, il n'hésite pas à railler leurs faits, gestes et croyances. L'anecdote sur la condamnation et l'exécution d'Oliver Cromwell, l'une comme l’autre post-mortem, est ainsi réjouissante. Mais les personnages sont introduits très sommairement et l'on manque d'informations sur ces figures « célèbres ». Probablement passionnantes pour qui habite ou connaît cet endroit, ces histoires perdent une bonne partie de leur intérêt du fait de les éloigner du lieu qui les a inspirées.
On retrouve dans de nombreux passages le langage imagé de Moore, ainsi que son goût pour les métaphores et les tournures poétiques. Souvent alambiquées, ses envolées tendent vers un lyrisme parfois agaçant, voire incompréhensible.
Son discours teinté de mysticisme est soutenu par les illustrations étonnantes de Campbell. En noir, blanc et dégradés de gris, elles alternent entre aquarelle, crayon et reproductions photographiques. La mise en scène est audacieuse, avec des images qui s'entrecroisent et se superposent. Mais l'ambiance sombre qui en découle, ajoutée à la densité du texte et l'aspect non-homogène du style, rend l'ouvrage difficilement lisible.
De par la forme et le fond, l'aspect obscur de Serpents et Échelles déroutera à coup sûr bon nombre de lecteurs.