Fuir un péril pour se diriger vers une mort certaine, contrôler l’existence du monde et ne plus vouloir vivre, abandonner tout espoir pour se retrouver en paix avec soi… autant de sujets traités par Clarke dans cette merveilleuse BD. Réalités obliques allie un scénario écrit avec brio à un dessin mélancolique et terriblement efficace.
Toi qui entre dans cette bande dessinée, abandonne ici tout espoir. A l’image de la couverture de Réalités obliques, il vaut mieux s’habiller d’ombres avant d’ouvrir cet ouvrage à l’étrange format carré. En effet, dès les premières pages, le ton est donné : point de soleil sinon pour mieux marquer les pénombres qui envahissent les courtes histoires présentées par le créateur de Mélusine.
Les seuls moments où le lecteur croit déceler un peu de bonheur, c’est pour mieux replonger dans des abîmes de tristesse et de détresse dans des retournements dignes des Idées noires de Franquin. À l’image de cet aveugle piégé dans une forêt en feu : se servant de ses sens, il réussit à fuir la chaleur de cet enfer… et débouche sur un précipice en s’exclamant : « Je suis sauvé. »
Clarke frappe donc fort et réalise un sans faute. Car plus que les histoires, c’est le dessin qui s’affirme comme le point de focale de cette BD. Sans jamais quitter un gaufrier pas si classique de deux cases sur deux, l’auteur rythme ses courtes histoires en maniant le noir. Les ombres, si elles s’effacent, c’est pour mieux revenir au centre de la case. Ce dessin magnifique et oppressant illustre des histoires qui le sont tout autant.
Réalités obliques se définit par l’oxymore, une bande dessinée qui brille de ténèbres, un bijou rare qui nous rappelle que Clarke sait quitter le beau monde de Mélusine...