Sous le soleil brûlant d’Algérie, il y a eu les « événements ». Dans cette guerre qui ne dit pas son nom, de nombreux appelés servent d'armée à la France, de leur plein gré ou non. Alexandre Tikhomiroff a rassemblé l'absurde et le quotidien de son service dans ses mémoires, mis en BD par Gaétan Nocq, avec un crayon à papier bluffant.
En 1956, le jeune appelé Tikhomiroff est envoyé en Algérie, à Cherchell, pour plus de deux ans. Il fera connaissance avec son régiment divisé de manière assez floue entre les pro-guerre, les anti-service militaire et ceux qui attendent la quille avec insouciance. Entre les paysages à couper le souffle, les tâches insensées et le quotidien à améliorer, les mémoires de Tiko, comme on l’appelle, dresse un portrait personnel et touchant d’une génération enrôlée pour défendre une colonie.
Avec un découpage s’articulant autour de lieux, Gaétan Nocq combine intérêt documentaire et tension du récit. Le jeune Tik, qu’il angoisse lors de sa première garde de nuit ou serve lors d’un repas d’officier, devient vite notre point de repère dans ce quotidien où la guerre est moins rageante que la bêtise de certains. À ses côtés, on rencontre un communiste « réfractaire » en attente de jugement, un colonel qui ordonne de raser des vestiges antiques pour construire des autoroutes mais aussi ses compagnons d’infortune : tous sonnent justes.
Montrer une guerre qu’on entend plus qu’on ne voit : Gaétan Nocq relève le défi haut la main avec cette BD entièrement réalisée au crayon de papier. Ses aplats savent rendre le sable brûlant, les forêts touffues et la laideur des salles de classe de la caserne. Ses personnages, croqués en quelques lignes et angles sous un calot dégagent plus d’émotions les photos d’archives de fin de volume.
Un sublime dessin pour éviter qu’un conflit du XXe siècle ne tombe dans l’oubli.
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